PLUS QU’UNE ENTREPRENEURE, UN EXEMPLE DE RÉUSSITE FÉMININE

Exemple inspirant de réussite féminine, elle fait partie de ces femmes qui ont construit un empire en partant de rien. De nature têtue et convaincue de ses idées, elle a cru en elle et en ses projets. On la connaissait plutôt dans le domaine de la restauration depuis plusieurs années avec des milliers de plats servis par jour dans les restaurants universitaires à Ouagadougou. Mais désormais, il faut la compter dans le domaine de l’immobilier et du BTP au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Avec à son actif la construction de milliers de logements, Afrique Génie Bâtiment (AGB) dont elle est la Présidente Directrice Générale, connait un succès dans la réalisation de ses différents chantiers. Pour cette patronne aux différentes casquettes, afin de survivre au milieu des affaires, il faut se construire un fort caractère. C’est au siège de AGB, dans le quartier de la zone du bois de Ouagadougou, que Sanata Yaméogo a reçu l’équipe de Jeunesse Academy.


Sanata Yaméogo/Ouédraogo est une entrepreneure dans l’âme qui a fait ses premiers pas dans le domaine de la restauration. Polyvalente, elle est également dans le domaine de la promotion immobilière, du génie civil, et dans divers business. Aujourd’hui PDG de ses différentes entreprises, elle n’a pourtant pas eu l’occasion de faire des études au-delà de la classe de terminale. Septième d’une fratrie de neuf enfants, Sanata est issue d’une famille modeste. C’est en s’inspirant de la bravoure et de la combativité de sa mère qu’elle a réussi à positionner ses différentes entreprises. D’abord ménagère, puis secrétaire, elle? s’est lancée dans la restauration. La jeune dame de l’époque ambitionnait ouvrir une alimentation, mais faute de moyens, elle se rabat dans la restauration populaire. Ce domaine lui réussit et elle postule peu à peu à des appels d’offres afin de servir des hôpitaux et biens d’autres services publics. Parallèlement à la restauration, elle décide d’entrer dans le milieu du BTP, en créant Afrique Génie Bâtiment (AGB), entreprise spécialisée dans la construction des routes et des cités d’habitation au Burkina et en Côte d’Ivoire. Ses entreprises et ses initiatives lui ont valu de nombreuses distinctions qui ne se comptent plus. Parmi les plus prestigieuses, elle a reçu en 2017 le Prix africain du Développement (PADEV) dans la catégorie de la meilleure promotrice africaine de l’entrepreneuriat féminin, et pour le compte de sa société AGB, le prix de l’innovation immobilière au Burkina Faso en 2021 lors des 72h de l’immobilier.


Jeunesse Academy: Comment se sont opérés vos choix des secteurs d’activité dans lesquels vous intervenez ?

Sanata Yaméogo: C’est presque par un pur hasard que je me suis retrouvée dans la restauration. C’est en fonction de mes moyens que je me suis rabattue sur ce domaine. Mais en allant dans le domaine de la promotion immobilière et génie civil, j’étais consciente qu’il me fallait beaucoup plus de moyens financiers pour me lancer. Donc, pour ce domaine, je peux dire que c’est un choix que j’ai fait. Depuis toute petite, j’ai toujours souhaité devenir entrepreneur du BTP ou magistrate. N’ayant pas pu continuer mes études, j’ai opté pour mon amour du BTP.

En tant que femme, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans votre parcours d’entrepreneure ?

À mon avis, les difficultés des femmes sont pareilles à celles des hommes. Il n’y a pas de difficultés différentes pour l’homme et pour la femme. Ce sont pratiquement les mêmes problèmes que nous rencontrons. Nous avons tous des difficultés d’ordre financier surtout concernant l’accompagnement de nos projets par les banques. Quand tu souhaites faire grandir ton activité et que c’est difficile de trouver un financement pour exécuter un marché, tu es obligé de postuler à des appels d’offres en fonction de tes moyens. Ici à AGB, nous n’avons pas d’ambitions démesurées. Nous travaillons toujours en fonction de notre portefeuille et s’il nous arrive d’avoir recours aux institutions financières, c’est seulement pour des montants limités. Le véritable handicap dans le domaine de l’immobilier et du BTP reste la question d’argent. Mais quand on a envie de démarrer quelque chose, on n’a pas besoin de grands moyens. Néanmoins, pour la femme, je dirais que, quel que soit son statut ou son niveau de responsabilité professionnel, il lui faut toujours avoir un regard sur la gestion et l’organisation de son foyer. C’est surtout à ce niveau que réside la différence, car cela représente un double travail pour elle.

Je me fais toujours aider par l’ensemble du personnel car, même si je suis la patronne, c’est grâce à eux que l’entreprise atteint ses objectifs.


D’où tenez-vous votre motivation et cette attitude de persévérance et de force qu’on vous reconnaît ?

Dès ma jeunesse, ma mère a toujours été commerçante. Avant de me rendre à l’école, il me fallait d’abord vendre ses galettes. Après avoir fini de cuire ses galettes, elle disposait une table devant la porte où elle vendait quelques condiments. Je peux donc dire que mon esprit d’entrepreneur et de combativité m’est venu de ma mère. Nous n’avions pas de grands moyens, mais je voyais toujours les recettes qu’elle se faisait et ça m’inspirait depuis lors. Elle a commencé peu à peu ses activités commerciales jusqu’à ce que ça marche de mieux en mieux. Cette dame a toujours été une référence pour moi et, inconsciemment, elle a influencé mon parcours. Par ailleurs, lorsque je travaillais comme secrétaire, je me suis beaucoup inspirée de mon patron à l’époque qui a suscité en moi l’envie de réussir.

Quelles sont vos plus grandes fiertés dans vos différents projets ?

Dans le domaine du BTP, toutes nos réalisations sont une fierté pour moi. Lorsque tu débutes avec un bâtiment et au fil du temps le nombre s’accroit, tu ne peux qu’être fière. Actuellement, mes grandes fiertés sont surtout les cités de Kamboinsin et de Zakin. Je suis toujours passionnée de la restauration et ce domaine est en perpétuelle amélioration. Tous les soirs, avant de m’endormir, je m’assure toujours qu’il ne manque rien pour le restaurant. Je veille toujours à garder un œil sur la qualité des produits utilisés et sur le goût des repas que nous servons. C’est grâce à mon entreprise de restauration que AGB a vu le jour donc je ne peux qu’en être fière En tant que femme leader et chef d’entreprise, comment gérez-vous votre personnel pour l’atteinte des objectifs ?

J’ai de nombreux autres projets en maturation…

Vous avez été nommée Reine de l’immobilier au Burkina par le Magazine Jeune Afrique. Quels sont vos sentiments lorsque vous regardez votre parcours dans le rétroviseur ?

La plupart de nos employés sont des jeunes. Dans l’ensemble de mes entreprises, nous avons environ 400 employés à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso et aussi en Côte d’Ivoire. C’est dans une ambiance décontractée que nous travaillons en général. Cependant, lorsqu’il faut taper du poing sur la table, nous n’hésitons pas car, il faut aussi s’appliquer une certaine rigueur pour que le travail fonctionne. Je me fais toujours aider par l’ensemble du personnel car, même si je suis la patronne, c’est grâce à eux que l’entreprise atteint ses objectifs. J’ai de nombreux autres projets en maturation…

Vous avez été nommée Reine de l’immobilier au Burkina par le Magazine Jeune Afrique. Quels sont vos sentiments lorsque vous regardez votre parcours dans le rétroviseur ?

La plupart du temps, on ne se rend pas soi-même compte de notre parcours. C’est à travers les écrits de ce genre que l’on prend conscience du chemin que nous avons parcouru. Quand par moment, les félicitations jaillissent, on commence à réaliser tout ce qui se passe autour. C’est à la fois un sentiment de fierté et de reconnaissance que j’ai lorsqu’on parle de moi. Mais ce n’est pas toujours évident de percevoir les choses comme elles sont dites dans les médias. D’ailleurs, j’exhorte les jeunes filles à m’emboiter le pas et à faire mieux que notre génération.

Après avoir atteint ce très haut niveau qui inspire respect et considération, quels sont vos défis pour la suite de votre carrière d’entrepreneur ?

J’ai de nombreux autres projets en maturation que je garde, pour le moment, discrets. L’être humain est un éternel insatisfait. Lorsque tu possèdes 1000 francs, tu convoites 2000 francs et ainsi de suite. En commençant mes activités, j’avais pour ambition d’avoir de quoi pouvoir vivre décemment. Mais au fil du temps, ça devient une gourmandise et on en veut toujours plus. Mais pour ma part, je prépare ma retraite. Je compte faire exception à la règle en me reposant, contrairement à de nombreuses personnes qui continuent de travailler malgré l’âge et les acquis engrangés, Sanata YAMÉOGO envisage former ses enfants à prendre la relève et à se séparer du boulot.


Quels sont les secteurs d’activités que vous conseillez à nos lecteurs entrepreneurs, constitués de nombreux jeunes de l’Afrique francophone ?

Je ne peux leur conseiller que ce que je sais le mieux faire à savoir la restauration. C’est un domaine qui nourrit bien son homme surtout la restauration populaire. Cette activité a été la base pour moi et je crois qu’elle est toujours d’actualité. Le BTP aussi est un domaine dans lequel on peut facilement réussir. En un mot, je dirais que le plus grand secret du succès, c’est l’amour du travail. Toute activité peut réussir à une personne, car tout est une question de volonté et de vision. Il y a des personnes qui ont de bons projets en tête et qui sont aidées, mais qui ne s’en sortent pas. Il y a aussi des gens qui se battent seuls, mais réussissent leurs entreprises. C’est beaucoup plus une question de vision et d’amour réel de ce qu’on fait.

… insulter ou crier sur son conjoint n’est pas, selon moi, un signe d’émancipation de la femme.


Comment gérez-vous vos rôles de mère, de femme et de chef d’entreprise ?

C’est une question d’organisation. Plus le travail de vos entreprises augmente, plus il faut s’entourer de personnes honnêtes qui peuvent vous aider. Il faut apprendre à déléguer les tâches et les pouvoirs pour faciliter le travail. Le bonheur, ce n’est pas l’argent uniquement, mais c’est tout un ensemble de choses. Il faut se donner des temps de repos et s’occuper de sa famille. On a l’impression que parce qu’on est le patron, on travaille mieux alors qu’il faut donner la possibilité à ses employés de montrer de quoi ils sont capables. Ils ont souvent de meilleures idées que nous. Lorsque nous faisons des réunions, parfois je suis mise en minorité parce que je respecte le point de vue de la majorité.

Comment définissez-vous une femme épanouie et émancipée ?

Pour moi, une femme épanouie et émancipée est une femme qui travaille. Que ce soit dans le milieu intellectuel ou pas, elle doit pouvoir se prendre en charge et gagner sa vie. Il faut que la femme puisse se défendre seule et ne pas dépendre tous les jours de l’homme. Le fait de demander régulièrement de l’argent à son mari pour n’importe quelle dépense peut jouer négativement sur la vie de couple. Cela ne signifie pas que la femme doit prendre toutes les dépenses de la maison en charge, mais actuellement, tout le monde doit contribuer dans un foyer. Ce n’est plus une histoire de mari ou de femme, mais plutôt une histoire de couple. Mais insulter ou crier sur son conjoint n’est pas, selon moi, un signe d’émancipation de a femme.

Quelle est la cause féminine pour laquelle vous avez le plus de sensibilité ?

La maladie reste le problème qui me touche le plus, notamment le cancer de sein. Le cancer m’a beaucoup affectée, car j’ai perdu à la fois ma mère et deux de mes sœurs de cette maladie. Lorsque je suis heureuse et que l’on prononce ce mot ‘’cancer’’, je panique littéralement.

…même si la motivation est capitale, elle seule ne suffit pas à réussir.

Quelles sont les qualités que doit développer une jeune fille qui souhaite marcher sur vos traces ?

À mon avis, il faut être dynamique. Quel que soit le domaine dans lequel tu souhaites entreprendre, si tu n’as pas de dynamisme et de motivation en toi, ça ne marchera pas. Parfois, avec l’accompagnement d’un parrain ou d’une marraine, ça peut aider. Avec déjà quelques économies, cette personne peut te guider avec des conseils et un peu d’argent pour booster tes affaires. Nous avons vu des jeunes qui ont réussi à faire mieux que leurs parrains ou marraines dans leurs entreprises. C’est très important d’être aidé parce que même si la motivation est capitale, elle seule ne suffit pas à réussir. Aussi, j’ajouterai qu’il est important de réfléchir à une activité assez tôt même si on ne se lance pas d’abord. L’opportunité peut venir à tout moment et il sera plus facile de mettre en œuvre son projet en ce moment.

Quel est votre dernier mot?

Je suis fière de la jeunesse d’aujourd’hui qui, de plus en plus, s’engage et se bat pour tirer son épingle du jeu. Je l’encourage à plus de travail et d’abnégation, et surtout, à éviter la facilité.


La Rédaction