Djakalia Traoré est le chef de service assurance qualité et affaires médicales du centre régional de transfusion sanguine de Ouagadougou. Il est également chargé de la statistique et de l’information. Avec lui, nous avons fait le tour de quelques questions relatives au don de sang dans un contexte où la demande en sang est constamment insatisfaite. Dans cet entretien réalisé le 6 novembre 2022, monsieur Traoré vous donne assez d’informations sur la nécessité de faire le don et des conseils pour le faire régulièrement.


Quelle appréciation peut-on faire la mobilisation des donneurs ?

La mobilisation actuelle des donneurs de sang au niveau de nos sites est relativement faible, ce qui fait qu’on n’arrive pas à couvrir les demandes en produits sanguins des différents services cliniques. Aujourd’hui, on a au maximum 50 donneurs qui se présentent sur nos deux sites à savoir le site de Tengandogo, tout près de l’hôpital de Tengandogo, et le site de Paspanga qui est non loin de Yalgado. Donc on a au tour de 50 poches maximum sur les deux sites et par jour alors qu’on a une expression de demande qui tourne autour de 150 à 200 poches ; cela fait un grand gap nous conduisant à faire des collectes mobiles qui n’arrivent pas à combler le vide.

Ce qui amène certains partenaires à lancer des expressions de besoin au niveau des réseaux sociaux. Le risque majeur c’est que quand on lance un besoin comme ça juste pour un malade, ça devient compliqué. Soit la demande n’est plus d’actualité au moment où les gens lisent soit ceux qui vont lire ne savent pas vers où s’orienter, et même s’ils savaient, ça devient un don ponctuel. Ce qui est important, c’est que les gens puissent s’engager dans le don de sang au moins une fois, deux fois et de façon régulière ; il ne suffit pas de faire le don de sang et disparaitre.

“Si 1% d’une population s’accorde à donner le sang,
on devrait pouvoir couvrir les besoins.”

Ce qu’il faut savoir également, c’est que le don de sang, s’il est fait, le sang qui est prélevé aussi connait une date de péremption. Il faut donc renouveler le stock afin que l’approvisionnement soit au top niveau. Donc, les gens doivent dégager un temps et passer régulièrement dans nos centres ; c’est ça qui est important. Tout comme on arrive à dégager un temps pour aller saluer les baptêmes, les mariages, aller à des funérailles, on devrait effectivement pouvoir venir faire un don de sang qui sauve des vies.

C’est vrai que pour le don, on va faire des analyses, mais il faut donner le minimum de temps pour que le personnel médical puisse échanger avec vous. Il y a aussi le temps qu’il faut pour qu’on puisse faire le prélèvement. Voilà les dispositions qu’il faut prendre peut-être qu’on ne soit pas obligé de publier sur les réseaux sociaux et qu’on puisse satisfaire les besoins des gens.

Déjà, l’OMS dit que si 1% d’une population s’accorde à donner le sang, on devrait pouvoir couvrir les besoins. Ça veut dire qu’on n’a pas le 1% de Ouagadougou qui doit tourner autour de 53 000 personnes. Si ces personnes, dans le grand centre Ouagadougou, plateau centrale que le CRTS Ouaga couvre donnaient leur sang, on ne devrait pas être en crise.

“…éviter les rapports sexuels fréquents
à multiples partenariats, les tatouages “

Quelles conditions faut-il remplir pour être donneur ?

Entretien avec un donneur– ©JA

Pour le don de sang, il faut d’abord se sentir en bonne santé, et dès lors qu’on estime être en bonne santé, on est éligible au don de sang. Un autre aspect, c’est d’être volontaire ; s’engager sans être contraint. Il y a la condition d’âge ; il faut avoir au moins 18 ans, ce qui est la maturité, l’âge normal pour décider de soi-même. Il faut aussi avoir comme poids 50 Kg. D’autres conditions sont déterminées au cours de l’entretien, donc à ce niveau, ça va être cas par cas et le médecin va valider si c’est bon.

Quel comportement avoir pour pouvoir donner son sang ?

Les comportements à avoir pour pouvoir garder la régularité dans les dons de sang, c’est les comportements individuels à risque. Tout comportement qui peut conduire à contracter une maladie quelconque ne va pas être favorable à la continuité du don de sang. Pour la prévention des maladies à risque notamment les infections transmissibles, éviter les rapports sexuels fréquents à multiples partenariats, les tatouages et bien d’autres comportements qui peuvent conduire à contracter une maladie quelconque.

Egalement, c’est d’être sincère ou dire la vérité le jour où on est en entretien avec le médecin pour le don de sang. Cela permet de sécuriser et le donneur et le receveur, et c’est déjà important pour le donneur lui-même. Mais ça doit être volontiers de se présenter dans nos centres de façon régulière tous les 3 mois, pour les hommes, et tous les 4 mois pour les femmes. Donc voilà quelques comportements qu’on peut observer pour être régulier dans le don du sang qui va pouvoir sauver des vies.

“Il faut essayer pour se rendre compte
qu’on faisait du tort en restant dans la peur.”

Qu’avez-vous à dire à ceux qui ont peur de faire le don ?

La peur du don du sang est un état naturel. Effectivement, cette peur peut conduire des gens à ne pas se présenter pour le don de sang, mais ce qu’il faut savoir, c’est que chaque fois qu’on reporte son don, pour quelque raison que ce soit, c’est des malades ne gagneront pas de sang et la situation peut être dramatique. La peur étant effectivement quelque chose de naturelle, il faut accepter la transcender.

Il faut savoir aussi que le bonheur qui réside au-delà de cette peur, est aussi immense que la peur qu’on développe. Si nous restons dans cette situation de peur, qui nous empêche effectivement de faire le don de sang, le sang n’étant pas un produit pharmaceutique, par conséquent, une bonne partie des malades sera privée de ce liquide précieux. C’est en forgeant qu’on devient forgeron comme on dit.

Il faut accepter un jour faire le pas pour se rendre compte qu’il y a un maximum de dispositions prises afin de donner plus de quiétude à ceux qui viennent pour faire le don de sang en leur causant moins de douleur. Il faut essayer pour se rendre compte qu’on faisait du tort en restant dans la peur. Donc, il faut s’engager ; le principe de solidarité devrait faire qu’on puisse transcender cette peur et faire l’essentiel pour sauver des vies.

Des donneurs en salle de prélèvement– ©JA

Quels avantages y a-t-il à donner son sang ?

Les avantages sont d’ordre moral. Les principes veulent que le don de sang soit du bénévolat ; savoir qu’on a contribué à sauver la vie de quelqu’un ou de plusieurs malades devrait être un motif suffisant pour qu’on s’intègre davantage dans le don de sang parce qu’il n’y pas rien plus avantageux que de savoir qu’on a contribué à sauver la vie de quelqu’un ; c’est un premier niveau d’avantages.

Un deuxième niveau d’avantages c’est qu’on a une consultation gratuite. Quand vous venez pour le don de sang, vous avez un entretien avec un médecin qui vous fait un certain nombre d’observations, de remarques et d’appréciations sur votre état de santé et qui vous rend compte. Et il y a le fait qu’en retour, les gens ont accès gratuitement aux résultats du don de sang qui, pour être réalisés ailleurs sont payants.

Un autre niveau d’avantages, c’est de savoir qu’on habitue son organisme à supporter une hémorragie si le cas survenait, ce qui est déjà bien. Ainsi, l’organisme est prêt à supporter une éventuelle situation d’hémorragie. Aussi, au-delà du donneur de sang, il y a les avantages pour les malades : une vie est sauvée, les gens ne sont pas obligés d’être accompagnants d’un malade dans un hôpital, situation qui diminue du coup leurs activités économiques et par conséquent le revenu également va diminuer. Ainsi, même si ce n’est pas pour soi, c’est pour l’autre partie que sont les malades et leurs familles.                                    

Un dernier mot ?

J’invite la population à faire le déplacement pour qu’on ait plus de disponibilité, d’approvisionnement en produit sanguin. Les sites de don de sang où les gens peuvent se déplacer, c’est à Tengandogo collé à l’hôpital Tengandogo, et à Paspanga non loin de l’hôpital Yalgado. Ce dernier site s’ouvre de 7h30 à 17h, tous les jours ouvrables et les samedis de 7h30 à 12h. Quant au site de Tengandogo, il s’ouvre de 8h à 14h, tous les jours ouvrables. Voici quelques indications que les gens peuvent suivre pour faire le geste qui sauve.
Je remercie votre Magazine pour la sensibilisation qu’il permet de faire.

Davy SOMA