Les technologies numériques ont profondément transformé les interactions humaines ; c’est un fait. En effet, les outils digitaux, devenus omniprésents dans nos vies, facilitent les communications à distance certes, mais en même temps, modifient la qualité des relations sociales. Nonobstant les avantages indéniables que ces technologies offrent, il convient de relever les risques encourus par la société, si elles ne sont pas maîtrisées. Réduire nos liens à de simples échanges virtuels, dépouillés de leur profondeur émotionnelle, voilà ce qui prend progressivement forme dans nos rapports aux autres. Dès lors, notre défi commun est de comprendre les enjeux de cette digitalisation d’une part, et explorer des moyens pour préserver l’authenticité de nos relations humaines, d’autre part.

Les risques de la digitalisation des relations sociales

1. Des échanges superficiels qui affaiblissent l’empathie

Les réseaux sociaux et les messageries instantanées privilégient souvent des interactions brèves, fragmentées et centrées sur l’apparence. Les likes, emojis et messages courts remplacent parfois les conversations riches et nuancées. Ce type d’échange, bien que rapide et pratique, limite la capacité à développer des liens profonds. Par conséquent, il y a de moins en moins de place pour l’empathie car, la communication numérique élimine une grande partie des signaux non verbaux à savoir le ton de la voix, les expressions faciales, le langage corporel. Pourtant, ces éléments qui sont essentiels pour comprendre les émotions de l’autre, disparaissent dans ces interactions qui réduisent notre aptitude à nous connecter émotionnellement.

2. Une connectivité qui isole et une fracture intergénérationnelle

La possibilité d’être constamment en contact grâce aux outils numériques a un effet paradoxal : elle peut isoler. Les individus passent de plus en plus de temps sur leurs écrans au détriment des relations physiques. Mais il suffit d’un instant de détachement pour se sentir seul, solitaire, par exemple en cas de manque de crédit de connexion, de messagerie ou d’appel. Outre les sentiments de solitude et de déconnexion avec la réalité, la transmission intergénérationnelle prend un coup. Le constat, avec l’avènement du numérique, est que les générations actuelles adoptent des modes de communication très différents de ceux des générations précédentes. La conséquence immédiate est l’élargissement du fossé des incompréhensions et de la distanciation entre parents et enfants, jeunes et séniors. Puisque le outils numériques privilégiés par les jeunes ont pris la place des échanges directs, la transmission culturelle et affective est devenue une richesse qui s’estompe.

Revaloriser les relations humaines

Pour éviter que la digitalisation ne domine nos interactions, il est urgent de revoir notre manière de communiquer et de cultiver les relations humaines. Cela nécessite un effort à la fois individuel et collectif.

1. Une discipline numérique pour plus de rencontres physiques

Il faut commencer par limiter l’usage des écrans dans un premier temps, pour préserver nos relations. Par exemple, instaurer des moments “sans écran” comme le font certains groupes d’amis pendant les sorties via des “journées sans téléphone”. Au plan personnel, on peut aussi désactiver les notifications pour ne pas être constamment distrait à longueur de journée. Cela peut être plus couteux mais, il est bien de privilégier les appels aux messages écrits lorsque cela est possible. Le mieux serait de redonner une place importante aux rencontres physiques car, les interactions en face-à-face permettent de partager des moments de qualité. Que ce soit des échanges autour d’un plat ou d’un verre entre amis, ces moments renforcent les liens en apportant une dimension humaine qu’aucun outil numérique ne peut reproduire. C’est le cas, par exemple, de l’écoute active devenue un acte rare et précieux dans notre société du numérique ; accorder une attention pleine à l’autre, sans distraction numérique, montre une véritable implication dans la relation.

2. Activités collectives divertissantes et éducatives

Les activités en groupe, comme les sports, les ateliers créatifs ou les événements culturels, sont des opportunités idéales pour renforcer les interactions humaines. Elles favorisent le partage d’expériences et la création de souvenirs communs. Mais pour que cela se fasse aisément, des espaces publics doivent être plus développés dans les milieux urbains pour encourager les interactions humaines. Les parcs, cafés, bibliothèques et autres lieux de rencontre peuvent être des alternatives aux environnements virtuels, en offrant des cadres propices aux échanges. Sur le plan éducatif, les établissements d’enseignement du préscolaire à l’université sont des lieux propices pour promouvoir une culture de la déconnexion. Étant des lieux de rassemblement des jeunes dans un but d’apprentissage, les écoles et universités peuvent bien contribuer à cette lutte. Les campagnes de sensibilisation sur les méfaits de l’hyperconnexion peuvent jouer un rôle clé dans ces milieux.

En conclusion : réinventer les relations humaines dans l’ère numérique La digitalisation, bien qu’inévitable, ne doit pas entraîner une déshumanisation de nos relations. L’ascendance du virtuel sur le réel est le mal qui met en danger notre société qui semble, de plus en plus, balayer du revers de la main la richesse des interactions humaines. Il est clair que pour freiner cet élan déshumanisant, l’effort conscient à faire est une responsabilité commune à tous qui passe par la modération et le discernement dans l’usage du numérique. En adoptant une approche équilibrée, qui fait du digital un complément et non un substitut aux relations humaines, nous pouvons construire une société où la technologie et l’humanité coexistent en harmonie. Bien plus qu’une question d’adaptation, c’est un acte de résistance qu’il faut poser pour préserver l’essence même de ce que nous sommes : des humains avec des émotions que le numérique ne saurait remplacer.

Paule Agnès Mano