Drissa Coulibaly est le Secrétaire Permanent du Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou (CAMC-O). Juriste d’affaires, exerçant depuis maintenant 18 ans, en Cabinet d’Avocats et en Entreprises, comme Juriste-Conseil, Chargé de la formation professionnelle à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso (CCI-BF). Il est Médiateur certifié du Centre International du Commerce, à partir de l’année 2018.

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Drissa Coulibaly Secrétaire Permanent du CAMC-O ©JA

Présentez-nous le CAMC-O ?

Le Centre d’Arbitrage de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou est une Justice alternative, mise en place en 2005, voulue par l’État, le secteur privé burkinabé et les Partenaires Techniques et Financiers. Cet organisme juridictionnel a été mis en place par décision du Bureau Consulaire de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso, bien entendu sous l’impulsion de l’État burkinabè. Il faut préciser que cela rentre dans le cadre de la mise en œuvre de l’ambition des États parties au Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du

Droit des Affaires (OHADA) de faire de l’arbitrage le mode privilégié de règlement des différends d’affaires. A l’image du Centre d’arbitrage de la CCJA, plusieurs États de l’OHADA, ont donc créé leur centre d’arbitrage. Le CAMC-O se veut donc être une innovation majeure dans les milieux d’affaires burkinabè, dans le sens où il intervient, aux côtés des Juridictions étatiques, dans le règlement des différends d’affaires, via l’arbitrage et la médiation.

Quels sont les objectifs et les missions du CAMC-O ?

La création du CAMC-O répond à des préoccupations et besoins manifestés par l’État et les milieux d’affaires. A cet effet, il a pour missions de :

  • Organiser et mettre en œuvre des procédures d’arbitrage et de médiation au profit des acteurs du monde des affaires, nationaux et non nationaux pour le règlement de leurs litiges ;
  • Promouvoir la pratique de l’arbitrage et de la médiation par la sensibilisation, l’information, la formation et la publication ;
  • Perfectionner/rédiger des contrats d’affaires.

Le CAMC-O, à travers ses missions, contribue ainsi à l’assainissement et à la sécurisation de l’environnement juridique et judiciaire des affaires au Burkina Faso ; au renforcement de la confiance entre les opérateurs économiques burkinabè et leurs partenaires ; à l’attractivité des investissements privés étrangers ; à la mise à disposition des acteurs économiques d’un cadre adéquat de règlement des litiges ; et, par conséquent, au désengorgement des Juridictions étatiques.

Au sein du Conseil d’administration du CAMC-O siègent plusieurs organisations professionnelles. Quelle est la nécessité de leur présence et quels sont leurs rôles au sein de l’institution ?

Il faut en amont préciser que le CAMC-O comprend trois organes, que sont :

  • le Conseil d’Administration, qui est l’organe de définition de la politique et des grandes orientations de l’Institution. Il se compose de 12 membres, notamment la Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso, la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso, le Patronat burkinabé, le Ministère en charge de la Justice, les ordres des avocats, des notaires, des experts comptables, des architectes, l’enseignement supérieur, les institutions bancaires et les institutions d’assurance ;
  • le Comité d’arbitrage et de médiation ou Comité Technique, qui a un rôle de régulation des procédures. Il est composé de cinq (05) membres, reconnus pour leur intégrité et leur connaissance en matière juridique et judiciaire et dans le domaine de l’arbitrage ;
  • le Secrétariat Permanent, qui a la charge d’administrer cette justice alternative, en animant le service.

A travers la composition du Conseil d’Administration, vous comprenez aisément que le CAMC-O est la chose des milieux d’affaires, qui doivent l’utiliser et en faire la promotion, dès lors que c’est un instrument qui rassure les partenaires d’affaires. Bien sûr, l’État qui a le monopole de la Justice y exerce un contrôle, d’où la présence du ministère en charge de la justice dans le Conseil, en plus des autres mécanismes de contrôle.

Qu’est-ce qu’un contentieux et à quel moment et comment saisir le CAMC-O ?

Dans notre contexte, je dirai que le contentieux désigne un litige, un désaccord ou une contestation, pouvant être tranché par l’Arbitre, Juge désigné par les parties en cause. De façon générale, le contentieux désigne une dispute entre plusieurs personnes.

Dans un langage plus juridique, le contentieux correspond aux procédures administratives ou judiciaires en cours devant les juridictions étatiques ou arbitrales. Ici, les magistrats ou les arbitres jouent un rôle essentiel dans la mesure où ils ont pour mission de rendre une décision, qui apporte une solution juridique au problème de droit opposant les parties.

La volonté de recourir au CAMC-O peut se manifester de deux manières :

Avant la naissance du litige (de manière prévisionnelle) : Les parties à la signature de leur contrat y insèrent une clause de règlement de litige faisant référence aux procédures CAMC-O (Clause compromissoire et clause de médiation).

Après la naissance du litige : Sur la base d’une convention dite « compromis d’arbitrage » ou « compromis de médiation », les parties décident de soumettre le règlement de leur litige par voie d’arbitrage ou de médiation au CAMC-O.

En cas de survenance du litige, la saisine du CAMC-O se fait par une simple requête, adressée au Secrétaire Permanent sans autre forme de procédure. La requête est accompagnée des pièces justificatives plus les frais d’ouverture du dossier.

Y a-t-il une différence entre l’arbitrage et la médiation ?

Bien qu’appartenant tous deux à la grande famille des Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL), il y a une différence fondamentale entre l’arbitrage et la médiation :

  • D’abord, l’arbitrage est une procédure juridictionnelle en ce sens qu’il respecte les principes directeurs d’un procès : règles de procédure, droit applicable, principe du contradictoire, droit de la défense, … L’arbitre est un véritable juge. Ensuite, le tribunal arbitral a pour mission de trancher le litige qui lui est soumis, il a une part active dans la procédure, car il doit rendre une décision. Enfin, la procédure d’arbitrage prend fin par une sentence arbitrale qui a la même valeur qu’une décision de justice. Elle est obligatoire entre les parties et peut faire l’objet d’exécution forcée.
  • La médiation quant à elle, est un processus de négociation assistée : les parties trouvent la solution, non pas en appliquant le droit à leur désaccord, mais au regard des intérêts à sauvegarder de part et d’autre. Le médiateur est un catalyseur, car il a une mission d’accompagnateur. Il facilite la communication entre les parties qui trouvent elles-mêmes la solution à leur litige. La finalité de la médiation dépend de la bonne foi des parties. Dans le meilleur des cas, le processus prend fin par la signature d’un accord de médiation. Cet accord peut également faire l’objet d’exécution forcée. A défaut, si le processus n’aboutit pas, le médiateur constate l’échec de la médiation dans un procès-verbal de non conciliation.

Quels sont les avantages de la médiation et de l’arbitrage ?

L’arbitrage et la médiation offrent des avantages certains aux acteurs économiques en termes de :

Célérité : les délais sont légalement réduits : le tribunal arbitral dispose d’un délai maximal de six (06) mois pour rendre la sentence. Le médiateur a deux (02) mois au maximum pour accompagner les parties dans la recherche de solution. Des procédures accélérées existent pour encore abréger ces délais.

Confidentialité : la procédure d’arbitrage et le processus de médiation sont confidentiels. Les audiences et les réunions de médiation se tiennent à huis clos.

Souplesse de la procédure : les parties peuvent choisir le lieu, la langue de l’arbitrage, certaines règles de procédures et de fond applicables à l’arbitrage. Elles participent à l’élaboration de l’acte de mission du tribunal arbitral et la programmation des réunions de médiation.

Liberté dans le choix de l’arbitre ou du médiateur : les parties sont libres de choisir l’arbitre ou le médiateur de leur choix sur la liste des arbitres et médiateurs agréés près le CAMC-O. Elles ont même la possibilité de choisir en dehors de ces listes.

Continuité des relations d’affaires : les deux procédures mettent les parties au centre du règlement de leurs litiges et sont admini strées dans un cadre apaisé ; toute chose qui permet la poursuite des relations d’affaires.

Comment sont choisis les arbitres ou les médiateurs ?

Il faut rappeler ici que l’arbitrage et la médiation sont la justice des parties. Au CAMC-O, nous avons une liste d’Arbitres agréés et une liste de Médiateurs agréés. Les arbitres et les médiateurs sont donc choisis par les parties elles-mêmes sur la liste des arbitres ou des médiateurs, selon la procédure engagée.

Quelle procédure appliquez –vous lorsque l’arbitrage ou la médiation échouent au niveau du CAMC-O ?

Comme dit précédemment, la procédure d’arbitrage n’échoue pas. Le Tribunal arbitral tranche le litige qui lui est soumis par les parties, exactement comme l’aurait fait une Juridiction étatique. La sentence rendue peut faire l’objet d’un recours en annulation devant la Cour d’Appel.

Par contre, la médiation, elle, peut échouer, puisqu’il s’agit d’une négociation assistée, afin d’aboutir à une solution optimale acceptable par les parties. Dans le cas d’un échec, la partie la plus diligente peut saisir, soit un tribunal arbitral pour l’arbitrage, soit le juge étatique compétent, pour l’option classique.

Quels sont les coûts des différentes procédures d’arbitrage ou de médiation ?

Les coûts des procédures sont fonction d’un barème des frais. Celui en vigueur, a été adopté en 2012, réduisant les frais de procédures et faisant du CAMC-O l’un des Centres de l’espace OHADA, qui dispose d’un barème très attractif : les montants tiennent compte des réalités socioéconomiques des entreprises de notre pays.

Quelles sont les garanties réelles d’impartialité et de confidentialités offertes par le CAMCO ?

Les usagers du Centre l’apprécient effectivement pour ces qualités qu’ils lui reconnaissent. En effet, avant d’administrer une procédure d’arbitrage ou de médiation, l’arbitre ou le médiateur doit, après sa nomination par les parties, mais avant sa confirmation par le Comité d’Arbitrage et de Médiation, faire une déclaration d’indépendance et d’impartialité, consistant pour lui de révéler, le cas échéant, toute situation de nature à mettre en cause son indépendance dans l’esprit des parties. Cela est transmis aux parties pour observations. Tout évènement qui surviendrait en cours de procédure de nature à entacher l’indépendance de l’arbitre ou du médiateur doit être porté à la connaissance du secrétariat et des parties.

Par ailleurs, l’arbitre ou le médiateur ne doit recevoir aucune rémunération directe de la part des parties. Toutes ces questions sont réglées par le Centre, d’où la transparence reconnue aux procédures conduites sous son égide.

Quel est l’impact du CAMC-O sur la prévention et la gestion des contentieux des affaires au Burkina Faso ?

Rappelons encore que le CAMC-O est un organisme juridictionnel, mis en place pour contribuer à l’assainissement de l’environnement juridique et judiciaire des affaires.

  • A travers ses activités de sensibilisation, d’information et d’appui-conseil, il contribue à une meilleure prévention des contentieux d’affaires, via l’insertion des clauses de médiation dans les contrats d’affaires, dont la mise en œuvre réussie permet d’éviter le contentieux. Il incite également les milieux d’affaires au dialogue, en les accompagnant dans la rédaction de certaines clauses de leur contrat.
  • En matière de gestion du contentieux, le Centre est « une autre justice » qui permet aux acteurs économiques de régler autrement leur litige. A ce titre, il contribue au désengorgement des Juridictions étatiques, non seulement à travers le règlement des litiges, qui lui sont soumis, mais aussi, grâce aux clauses compromissoires qui sont insérées dans les contrats d’affaires.

Quelles sont les actions de promotions des modes alternatifs de règlements des litiges menées par le CAMC-O ?

L’une des missions principales du CAMC-O consiste à faire la promotion des modes alternatifs de règlements des litiges auprès des acteurs économiques et des professionnels du droit. C’est dans cette dynamique qu’il s’est doté très tôt d’une stratégie de Communication et d’un Plan Stratégique de Développement. Entre autres actions, on peut retenir :

  • des ateliers de sensibilisation,
  • des sessions de formation en arbitrage et en médiation,
  • la production et la publication de contenus sur les MARL,
  • l’information à travers les spots publicitaires et des émissions interactives….

Quelles sont les statistiques de résolutions de contentieux au sein du CAMC-O ?

De janvier 2007 au 30 juin 2022, le CAMC-O a enregistré 596 dossiers dont 255 en arbitrage, 341 en médiation et une cinquantaine de dossiers de perfectionnement de contrats.

Quelles sont les perspectives du CAMC-O dans un pays en plein essor tel que le pays des hommes intègres ?

Nos perspectives à court et à moyen terme, c’est de poursuivre notre mission de renforcement de l’ancrage institutionnel du CAMC-O et de vulgarisation du recours au MARL : pour cela, nous intensifions les actions de sensibilisation et les approches-directes avec les acteurs économiques.

Nous travaillons également à mieux prendre en charge les préoccupations des milieux d’affaires, en renouvelant les listes d’arbitres et de médiateurs agréés, à travers le recrutement de nouvelles spécialités et la formation continue des arbitres et médiateurs. Il faut ajouter à cela les reformes entreprises, visant la relecture des textes pour adapter nos produits aux besoins des milieux d’affaires en perpétuelle mutation.

Tout cela nous permettra à moyen ou long terme de faire du CAMC-O, le Centre de référence en Afrique et de la ville de Ouagadougou la « plaque tournante de l’arbitrage et de la médiation sur le continent ».

Drissa Coulibaly Secrétaire Permanent du CAMC-O ©JA

Quel est votre dernier mot ?

Je remercie le Magazine Jeunesse Academy pour la présente tribune qu’il m’offre, afin de faire connaître davantage les Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL) en général, et le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou (CAMC-O), en particulier.

Mes remerciements vont également à l’endroit des partenaires et des usagers du CAMC-O, qui lui font confiance pour la gestion de leur litige, en insérant, soit des clauses renvoyant au règlement d’arbitrage ou de médiation du CAMC-O dans leurs contrats, soit en acceptant la signature de compromis d’arbitrage ou de médiation, le cas échéant.

J’invite l’ensemble des acteurs économiques, chefs d’entreprises et Associations professionnelles d’entreprises à chercher à mieux connaitre le CAMC-O, qui est cette « Autre Justice », mise en place pour le règlement des litiges d’affaires, suivant des exigences propres à leurs milieux.

La Rédaction