Formateur sur les questions de paix, de gestion des conflits et les dimensions de paix de manière générale, le Père Barwendé Médard Sané est un prêtre jésuite, cofondateur de l’Institut de Recherche sur la Paix au Sahel (IRPSahel). Présent dans son pays, le Burkina Faso, dans le cadre d’un séminaire sur l’éducation à la paix, il nous a accordé un temps d’échanges sur sa thématique de prédilection : la paix. Des dirigeants aux jeunes de toutes couches sociales, le Père Sané lance un appel à se mobiliser et à s’impliquer pour la cause de la paix. C’était le 31 août 2022 à Ouagadougou.

Pouvez-vous nous dire ce qui explique votre présence au Burkina Faso ?

Tout d’abord, merci pour l’occasion que vous m’offrez pour m’exprimer par votre canal sur ce sujet qui fait la préoccupation de l’heure à savoir la paix. Je suis là dans le cadre du séminaire organisé par le cabinet ACSF-Afrique sur l’éducation à la paix au profit des parents d’élèves, des élèves et étudiants, des enseignants et des journalistes. Je représente un institut américain partenaire de cette activité ; c’est l’Institut pour la non-violence et la justice sociale de l’université de San Francisco en Californie. Je suis là pour former tous ces acteurs à la paix et à la résolution des conflits, à la non-violence de manière générale.

Barwendé Médard Sané

Quelle est votre appréciation d’un cadre de ce genre ?

A l’heure actuelle, tous ceux qui aiment ce pays, le Burkina Faso, doivent se poser la question de savoir qu’est-ce que je fais en ce moment pour contribuer à la paix dans le pays. C’est cette question qui m’anime principalement et qui nourrit mon ambition d’être un acteur de la paix. Ceux que nous entrain de former ce sont principalement des enseignants, des journalistes, des leaders, des étudiants, des personnes qui gèrent des structures et qui, justement, en bénéficiant de cette formation vont répercuter cela au niveau de leur poste de travail.

Comme vous le savez, les médias sont très importants ; ils sont le quatrième pouvoir. Les enseignants sont également ceux qui éduquent nos jeunes qui sont plus grande population dans ce pays. En formant ces personnes, j’ai espoir qu’elles vont répercuter cela et nous allons renforcer les bases, les capacités des uns et des autres pour qu’ils puissent répondre de manière efficiente à la situation actuelle du pays.

Comment trouvez-vous l’engouement des participants ? Êtes-vous satisfait ?

Les participants sont des hommes et des femmes très désireux d’apprendre et ils ont également de la passion. Comme je leur ai dit au départ, c’est un rendez-vous du donner et du recevoir. En écoutant leurs contributions, en écoutant leurs questions, je sens que ce sont des personnes très curieuses et qui ont déjà un background très riche. Je dirai que ma satisfaction vient de ce qu’ils ont emmagasiné comme connaissances, acquis et valeurs bien avant. Je constate que je ne travaille pas sur un terrain vierge ; je travaille avec des personnes qui ont déjà des notions liées à la paix, à la non-violence active et la résolution des conflits de manière générale. Je suis satisfait de voir qu’ils ont besoin d’agrandir leurs capacités et de pouvoir davantage impacter le système éducatif et le monde médiatique. Je suis content d’avoir de tels hommes et de telles femmes en formation.

Quel est votre message à l’endroit de tous ceux qui ne participent pas à ce séminaire ?

Je dirai qu’il ne faudrait pas attendre d’avoir des formations académiques, encore moins des formations en séminaires ou en ateliers pour commencer à travailler pour la paix. Tout le monde est doté de richesses endogènes qui peuvent aider à bâtir la paix. Cela veut dire qu’on n’a pas besoin forcément de recevoir des formations. Evidemment, elles permettent de d’élaguer le terrain, de déblayer ce qui n’était pas adéquat, et ça permet d’agrandir la connaissance en générale. Mais, de manière particulière, je dirai à tous ceux qui aiment ce pays, de se dire que chacun doit contribuer à sa manière. Ce ne sont pas seulement les FDS (Ndlr : forces de défense et de sécurité) qui doivent combattre l’ennemi, mais c’est chacun de nous, depuis les enfants jusqu’aux vieillards.

Le formateur écoutant les participants

Comment construire la paix ?

En participant à cultiver la fraternité, la solidarité, la résilience, le patriotisme et le nationalisme, on participe à la paix. Quand on parle de paix de manière générale, on voit l’absence de conflit, l’absence de violence, mais la paix va plus loin que cela. Lorsque, en tant qu’acteur de paix, on travaille déjà à intensifier la fraternité autour de soi, on fait déjà beaucoup ; et je vois que tout le monde peut le faire même sans aucune spécialisation. Donc, tous mes encouragements à tous les acteurs de la paix et à tous les Burkinabè qui se rangent du côté de ceux qui cherchent la paix. Je crois que c’est dans ce sens-là qu’on va arriver à la paix dans ce pays. Bon courage à tous et que les dieux et les ancêtres bénissent les efforts qui sont faits çà et là.

Pour terminer, quel message spécial pouvez-vous adresser à la jeunesse ?

A tous les jeunes, j’aimerais vous dire : on a l’habitude de dire que les jeunes sont l’avenir de la société, mais les jeunes sont aussi bien le présent que l’avenir de la société. C’est-à-dire que le Burkina, aussi dans son présent dans son avenir, les jeunes doivent comprendre qu’ils doivent se départir de toute les formes de violence. Ils ne doivent pas s’enrôler dans ces groupes-là (ndlr : les terroristes). Même s’ils croient que c’est en y allant qu’ils vont éviter le chômage, je dis que c’est chercher un problème au-delà d’un autre et qui est même un peu plus grand.

Père Sané au présidium lors du séminaire

Vous pouvez prendre l’argent et vous allez participer à tuer. Mais, le jour où on va vous saisir, vous passerez également soit par les armes, soit par la prison. Donc, j’invite tous les jeunes à se départir de la violence et à collaborer avec les forces de défense et de sécurité dans tous les secteurs ; et je les invite à garder espoir, à être très résilients, à diffuser des messages de paix dans leur entourage et à croire fondamentalement que le Burkina va très bien se relever de ces défis. On n’a pas et on n’aura jamais un gouvernement parfait. C’est vrai que nous sommes sous un régime de coup d’Etat, ce n’est pas l’idéal, mais en attendant, les hommes qui sont à la tête de l’Etat, il faudrait qu’on les soutienne leurs actions positives ; ce qui est bien on le soutient, ce qui est mal, on le dénonce, mais dans un esprit critique, dans un esprit constructif.

Réalisé par
Davy SOMA