Lire le dossier complet: Prévention et gestion du contentieux des affaires.

Dans la gestion du contentieux au Burkina Faso, la justice n’est pas la seule institution à trancher pour les parties qui s’opposent. Il y a d’autres mécanismes de résolution tels que l’arbitrage, la conciliation et la médiation. Le juge TAPSOBA Hyppolite, conseiller à la cour d’appel de Ouagadougou/chambre civile, nous éclaire davantage sur ces modes de règlement des litiges au service des parties contractantes.

Juge TAPSOBA Hyppolite, conseiller à la cour d’appel de Ouagadougou/chambre civile ©JA

Esquisse définitionnelle

Le contentieux est constitué par l’ensemble des litiges soumis aux juridictions étatiques. La saisine de celles-ci atteste de l’existence d’un litige né et actuel. Par ailleurs, Charles JAROSSON définit l’arbitrage comme étant « l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qu’elles lui ont confiée ». L’arbitrage se reconnaît d’une part à son caractère juridictionnel et d’autre part à son caractère contractuel. Les parties à l’arbitrage consentent mutuellement à confier une compétence juridictionnelle à une personne en vue de trancher leur différend. Quant au caractère juridictionnel, il se cristallise dans la mission confiée à l’arbitre de même qu’à la sentence à coloration juridictionnelle.

Quant à la médiation, elle suppose l’intervention d’une tierce personne en vue de réconcilier les parties en litige. Ce tiers, désigné sous le nom de médiateur, doit tout mettre en oeuvre pour favoriser l’établissement ou le rétablissement du lien social. Il a une mission plus prononcée que le conciliateur, car il doit faire des propositions concrètes aux parties après les avoir attentivement écoutées. Le rôle du conciliateur consiste juste à permettre le rapprochement des parties, afin de susciter des échanges et des propositions de solutions de la part de celles-ci.

L’arbitrage, la conciliation et la médiation qui sont des modes de règlement des litiges hors prétoires sont prévus par la loi. À ce titre, l’article 451 du code de procédure civile précise que toutes les instances sont dispensées du préliminaire de conciliation sauf dans les cas où la loi dispose autrement. Néanmoins en toutes matières, les parties peuvent comparaître volontairement aux fins de conciliation devant le juge compétent. Le demandeur a également la faculté de citer le défendeur en conciliation en observant les délais d’assignation. En outre, le juge saisi peut, en tout état de la procédure, tenter la conciliation des parties qui pourront être assistées de leur avocat.

Selon le juge Tapsoba, la médiation, la conciliation et l’arbitrage sont des pratiques avec de multiples avantages qui sont, entre autres, la confidentialité, la rapidité, l’efficacité.

La confidentialité

Les affaires n’aiment pas le bruit, comme le disent certains. Or, les débats lors des audiences judiciaires ont un caractère public. Cette publicité est imposée par la loi. Il est évident que ce principe s’accorde assez mal avec les litiges en droit des affaires en général et en propriété intellectuelle en particulier dont la sécurité des informations constitue la clé de voûte de la stabilité, de la croissance et de la réussite des entreprises. En outre, la fuite des informations peut compromettre irrémédiablement la survie de l’entreprise. Dans ces conditions, les modes alternatifs de règlement des différends peuvent permettre aux parties en litige de préserver la confidentialité de leurs secrets d’affaires, de pérenniser leur réputation et surtout sauvegarder leurs relations commerciales.

La rapidité

La lenteur de la justice étatique est toujours décriée. L’une des raisons est l’encombrement des rôles d’audience des juridictions. Toutefois, les litiges en matière de propriété intellectuelle se caractérisent généralement par l’urgence, d’autant plus que les enjeux économiques sont en général très importants. Par contre, l’arbitrage, la médiation, la transaction, la conciliation sont des procédures rapides. En effet, quand les parties transigent entre elles, aucune procédure ne peut être plus rapide que celle-ci : les parties fixent les échéanciers elles-mêmes ; l’issue du procès dépend de leur bon vouloir. Quand une tierce personne intervient, tel le cas de l’arbitrage, de la médiation et de la conciliation, elle consacre son temps à la procédure qui lui est confiée. En outre, les parties peuvent intervenir dans l’établissement de l’échéancier.

L’efficacité

Les modes alternatifs de règlement des litiges présentent une certaine efficacité tant dans le déroulement de la procédure que lors de l’exécution de la sentence finale. Premièrement, l’intérêt de ces procédures, notamment l’arbitrage et la médiation, tient à la qualité de l’arbitre ou du médiateur qui est le plus souvent un expert, pétri de connaissances dans un domaine précis se rapportant au litige qui lui es soumis ; alors que le juge étatique n’est généralement pas spécialisé dans la matière en cause en cas de procédure judiciaire.

Deuxièmement, les modes alternatifs de règlement des litiges présentent une facette très intéressante qui est celle de la convivialité des procédures. C’est pourquoi Nathalie DION disait que : « le concept de médiation se nourrit de la dialectique de la participation articulée sur l’accueil, à l’inverse de la dialectique de la contradiction, à visée de victoire ». Les parties au litige sont alors plus disposées à écouter, plus ouvertes, moins anxieuses et plus réceptives. Elles préserveront ainsi la qualité des échanges présents et futurs et plus tard, les relations d’affaires entre elles. Cependant, toutes ces pratiques recèlent bien des limites telles que la méconnaissance et la non-maîtrise de ces différents modes de règlement des litiges par les parties. En cas d’échec, les parties se tourneront vers les juridictions étatiques pour un règlement juridictionnel de leur conflit.

Juge TAPSOBA Hyppolite, conseiller à la cour d’appel de Ouagadougou/chambre civile ©JA

En fin de compte…

De l’avis du juge Tapsoba, il faut que les parties au contrat fassent preuve d’anticipation et de diligence. L’anticipation en ce sens qu’il faut s’entourer des conseils nécessaires avant tout engagement (demander conseils juridiques à des juristes, avocats, etc.). La diligence, quant à elle, consiste à bien cerner les conflits avant qu’ils ne s’aggravent. Si éventuellement le litige nait, il faut privilégier un mode de règlement non juridictionnel ; c’est d’ailleurs ce qu’encourage le droit positif, notamment l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.). Après tout, comme on aime à le dire, « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès »

Le Rédaction