Lekinonne Hermann SOME, est un Burkinabè résidant à New York City dans l’état de New York aux Etats-Unis d’Amérique. Allé étudier dans ce pays, il est aujourd’hui marié et père de trois enfants et est entrepreneur en Business Consulting. Dans l’entretien qu’il nous accorde, il nous parle de l’association dont il est le président depuis bientôt deux ans. Il est notamment question des conditions générales de vie des burkinabè dans ce pays hôte et du rôle de cette association vis-à-vis de la communauté créée.
Jeunesse Academy : Pouvez-vous nous présenter l’Association des Burkinabè de New York (ABNY) ?
Lekinonne Hermann SOME : L’association des Burkinabè de New York est une structure qui regroupe tous les burkinabè qui vivent dans l’État de New York aux USA. L’association est apolitique, laïque, non discriminatoire et à but non lucratif. Elle poursuit des buts tels que le renforcement de l’unité de la diaspora burkinabè de New York, l’épanouissement économique, social et culturel de ses membres, la promotion de l’amitié, l’entraide, la solidarité et la promotion des relations fraternelles entre les membres de la diaspora burkinabè de New York et les autres communautés.Nous sommes estimés à plus de 10.000 Burkinabè vivants à New York.
Comment s’organise la vie de votre association avec les autres membres du bureau et les adhérents ?
Le bureau exécutif est composé de quatorze (14) membres qui forment une équipe efficace et complémentaire. Nous aspirons à une association inclusive où toutes les entités de la communauté ont une place et un mot à dire. Ainsi, les associations régionales, sociales et ethniques sont organisées autour de la structure mère (l’ABNY) pour des concertations périodiques dans le but d’offrir une meilleure gestion inclusive et solidaire de notre communauté.
Que fait concrètement votre association pour les ressortissants burkinabè ? Avez-vous la possibilité d’aider certains compatriotes pour l’obtention de la green card par exemple ?
L’association facilite et accompagne l’intégration de nos compatriotes en passant par la légalisation du statut d’immigrant et la capacité de prise en charge de soi (activité rémunératrice). Pour les cas d’immigration, nous délivrons des lettres de bonne moralité et nous referons à ces personnes des avocats d’immigration de qualité. Il faut noter que les lois d’immigration aux États-Unis d’Amérique sont complexes et politiques. Tant qu’il n’y a pas d’ouverture d’obtention de la green card, vous pourriez y rester 100 ans sans l’avoir. Plusieurs stratégies que je vais taire pour des raisons de confidentialité, sont utilisées par l’association pour la régularisation des statuts de nos compatriotes. Pour certaines personnes qui étaient en détention, nous avons pu obtenir leur libération et nous les avons installées.
Comment se fait la connexion entre burkinabè à New York, notamment pour les personnes qui viennent d’arriver dans cette ville ?
Normalement, toute personne qui vient aux Etats-Unis d’Amérique doit avoir un contact. Les contacts sont généralement des guides d’intégration des nouveaux arrivants. Quand nous sommes interpelés dans les situations où personne ne répond, nous intervenons dans la mesure du possible selon nos ressources. En général, les Burkinabè sont solidaires et s’entraident mutuellement. Mais l’association apporte aussi sa contribution par des séances de conférences et de débats sur les lois d’immigration et les différentes opportunités qui s’ouvrent à eux.
Comment mettez-vous en place un réseau de solidarité entre burkinabè quand il y a nécessité ?
Nous nous voulons proactifs et non chercher à se mobiliser quand il y a une situation donnée. C’est pourquoi nous exhortons la communauté Burkinabè de New York à adhérer et à s’acquitter de leur cotisation. Cela donne un bon fondement à l’ABNY qui pourra s’occuper des cas sociaux qui sont fréquents. Sinon, en toute situation nécessitant une solidarité, les Burkinabè ont toujours été prompts à aider.
Quelles sont les conditions de vie et le taux d’insertion professionnelle des Burkinabè à New York ?
Nous vivons sous pression. La demande est forte et le retour doit être prompt. Le taux de chômage dans la communauté burkinabè est presque nul. La plupart des Burkinabè pour ne pas dire la totalité, possède une activité rémunératrice. Sauf si ce n’est un travail voulu par la personne ou que ce ne soit pas dans son domaine de formation ou d’expertise. Nous travaillons donc à mettre en place un système de pont afin de faciliter la conversion de notre communauté à majorité diplômée mais qui fait face à la barrière linguistique.
Quel est le programme d’activité de votre mandat présidentiel et quel bilan en faites-vous ?
Notre programme d’activité s’aligne avec les buts de l’association. Notre vision est une communauté burkinabè forte et solidaire avec une association stable et inclusive qui facilite l’intégration des Burkinabè dans le système américain. Nous travaillons aussi à offrir un cadre d’épanouissement à la communauté, à promouvoir le développement socio-économique individuel et communautaire sans oublier la culture et l’art burkinabè. Nous avions pour tâche de restructurer l’ABNY afin qu’elle réponde aux besoins réels de la communauté. Pendant notre mandat qui est à terme, nous avons pu redynamiser la communauté et susciter ainsi l’intérêt au potentiel de notre association. Dès notre prise de fonction, nous avons été confrontés à la pandémie mondiale du Corona Virus qui a mis à genoux le monde entier. Les premiers moments ont créé une situation de peur et de panique dans la communauté avec les entreprises, les villes et les pays qui se fermaient. Nous avions donc mis en place une Task Force de trois comités.
Le premier, celui de l’ABNY COVID-19-Task Force est composé d’agents sociaux, d’agents de santé et des membres du bureau exécutif. Ils avaient pour tâche la collecte d’informations crédibles et fiables sur la pandémie. Ils devaient aussi mettre sous une forme consommable cette information au profit de notre communauté afin de rendre plus efficace la lutte préventive contre la COVID-19. L’autre comité que nous avons mis en place est le « Positif Mais Pas Seuls », qui est composé essentiellement d’agents de santé en première ligne dans les hôpitaux pour les soins des malades atteints de la COVID-19. Ce comité avait pour but d’accompagner et d’assister les membres de notre communauté atteints de la maladie et mis en quarantaine. Il s’agissait aussi de guider les personnes présentant les symptômes en leur donnant les conduites à tenir et en les réconfortant. Le dernier volet de cette Task Force intitulé « Solidarité et Entre-aide » avait pour but de collecter des ressources alimentaires, financières et médicales au profit de notre communauté qui était restée déjà longtemps enfermée.
Cette Task Force nous a permis d’assister des milliers de personnes en soins, en informations, en nourritures et en produits de prévention contre le Corona Virus. Par la suite, quand la pression de la pandémie a baissé, nous avons obtenu un siège qui a servi de centre communautaire pour l’association. Ainsi, la communauté a désormais un repère et un lieu pour ses activités sociales. Un autre acquis est la régularisation de notre structure à travers la confirmation de son statut non lucratif avec l’obtention de l’exemption de taxe auprès de l’IRS (Internal Revenue Service). Actuellement, nous sommes en reconstitution de la base de données des Burkinabè résidants à New York.
Au sein de l’association, nous avons mis en place l’Orchestre de la Diaspora composé de musiciens et d’artistes burkinabè résidants à New York. Le but est de promouvoir la culture et les artistes burkinabè aux Etats-Unis. Certains programmes de formations professionnelles au profit de nos membres ont permis d’accroître leurs potentiels de capacité de travail. Pour faciliter les échanges, la plateforme télé dénommée ABNY HEBDO a été initiée pour discuter et pour informer la communauté sur certains sujets d’intérêts.
Comment les ressortissants vivent avec le grand banditisme et le problème du racisme que connait ce pays ?
Pour le cas du banditisme, il suffit de ne pas s’y mêler. Il arrive que certains de nos compatriotes soient agressés. Le risque est réel sur tout le territoire et même dans les endroits où l’on s’y attend le moins. En ce qui concerne le racisme, c’est un état d’esprit et nous vivons avec.
Que fait l’ambassade du Burkina aux Etats-Unis pour votre association ?
L’ambassade et le consulat nous accompagnent et nous soutiennent dans nos entreprises communautaires. Ils s’assurent que nos droits fondamentaux ne sont pas bafoués dans les cas judiciaires. Ils nous soutiennent aussi dans les cas de tristesses et délivrent aussi des documents administratifs dans le dénouement de certaines situations telles que l’immigration.
Quel est votre regard sur la situation sécuritaire de votre pays ?
La situation sécuritaire au Burkina Faso est alarmante. Nous assistons avec tristesse et colère aux attaques orchestrées par les terroristes. Nous témoignons notre solidarité totale à toute la nation. Nous saluons par-là, la bravoure et la détermination des forces de défense et de sécurité et les VDP (Volontaires de Défense pour la Patrie). Nous nous inclinons devant la mémoire de nos chers parents tombés sous les atrocités des terroristes. Les déplacements des communautés sont aussi inquiétants. L’éducation des enfants et le retour des familles dans leurs localités respectives sont des questions sans réponses. Je crois que ce problème est complexe et nous concerne tous. En plus, l’incivisme, la pauvreté, la corruption et le sous-développement du Burkina Faso favorise en général le terrorisme. Chacun doit pouvoir faire une lecture conséquente de la situation et en fonction de la politique nationale du gouvernement contre le terrorisme, coordonner les efforts pour une lutte plus efficace. Si nous nous unissons autour d’une bonne politique nationale, nous viendrons à bout de ce problème. La lutte contre le terrorisme est une affaire patriotique et identitaire.
Comment contribuez-vous à la création de richesse nationale pour votre pays ?
Nous faisons la promotion du potentiel économique du Burkina. Nous croyons aussi qu’une communauté Burkinabè bien intégrée et économiquement indépendante aux Etats-Unis d’Amérique facilitera un retour d’investisseurs de la diaspora aux Burkina.
Propos recueillis par Agnès MAN
Crédit Photo© ABNY