Abatidan Casimir Nassara, originaire de Tiébélé, est un jeune leader engagé. Il préside l’association DIZENIDANI. Depuis plus de 10 ans, celle-ci organise le concours « Dora » ; un événement qui forme des jeunes filles à la peinture murale de la cour royale de Tiébélé. Dans cette interview, Abatidan présente le concours Dora et évoque son rôle dans l’inscription de cette cour royale le 26 juillet 2024 en Inde au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Quelle est l’origine du concours Dora et quels sont ses objectifs dans la préservation de la peinture murale Kasséna ?
L’idée d’organiser le concours est née d’un constat de notre association : les femmes maîtrisant cet art disparaissent peu à peu ; certaines vieillissent, d’autres ne sont plus de ce monde. Sans transmission, cet héritage risque de se perdre. C’est ainsi qu’est né le concours , qui se veut une véritable formation pour initier les jeunes filles à la peinture et à la décoration murale. L’objectif principal est d’assurer la relève et de préserver cet art traditionnel kasséna, précisément au sein de la cour royale.
C’est l’action principale mise en place par notre association, DIZENIDANI, qui organise également une formation spéciale de renforcement des capacités, qui ne s’adresse pas uniquement aux filles scolarisées, mais aussi à d’autres jeunes filles et femmes du village.
Quels sont les critères de sélection des participants et comment se déroule concrètement le concours ?

En ce qui concerne les critères de sélection, nous envoyons des lettres d’invitation aux différents établissements souhaitant y participer. C’est ensuite chaque administration qui sélectionne dix filles. Ce sont les établissements qui définissent leurs propres critères de sélection en fonction de leur règlement. De notre côté, nous n’imposons aucun choix.
Quant au déroulement du concours, il se tient sur trois jours, suivis d’une quatrième journée consacrée à la cérémonie de remise des prix. Le premier jour est dédié au lancement et à une formation de mise à niveau, car certaines participantes ont déjà pris part au concours par le passé, tandis que d’autres y participent pour la première fois. Cette journée permet donc de leur enseigner les mélanges de matériaux, les différents matériaux utilisés et leurs états. Ensuite, durant les deux jours suivants, elles travaillent de manière plus autonome. Chaque groupe de dix filles par lycée est accompagné par deux formatrices.
Ce n’est qu’à l’issue des trois jours de travaux que le jury intervient le quatrième jour pour évaluer et noter les murs. Il est important de préciser qu’au préalable, pendant toute la durée de l’activité, le jury ne passe pas pour observer le travail en cours. D’ailleurs, il arrive souvent que le jury soit informé seulement la veille ou le jour même de l’évaluation, ce qui permet de garantir une impartialité totale dans leur mission.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans la pérennisation de la peinture murale traditionnelle ?
Les principales difficultés rencontrées sont liées aux matériaux et à la disponibilité des femmes. D’une part, l’accès aux matériaux naturels devient de plus en plus difficile. Avec l’urbanisation et d’autres facteurs, ces matériaux sont désormais rares et difficiles à trouver, ce qui entraîne une augmentation de leur coût. En effet, il faut aller les chercher dans des endroits spécifiques, ce qui complique encore davantage leur utilisation.
D’autre part, la disponibilité des femmes représente un autre défi. Nous vivons dans un monde où chacun doit subvenir à ses besoins quotidiens, ce qui laisse peu de temps pour se consacrer à la pratique et à la transmission de cet art. Malgré ces contraintes, nous faisons de notre mieux pour préserver et valoriser cette tradition.
Quel impact concret le concours a-t-il eu sur la communauté locale et sur la reconnaissance de cet art ?


Crédit Photo: Christiane Younga
L’impact de cet art sur la communauté est réel. Tout d’abord, la communauté se reconnaît à travers cet art, ce qui renforce son identité culturelle. L’inscription de la cour royale au patrimoine de l’UNESCO en est une preuve supplémentaire.
Cet art est une véritable entité pour la communauté Nakana-Kasséna, qui en tire une grande fierté. Il constitue une identité unique et particulière, valorisant ainsi son patrimoine et son savoir-faire ancestral.
Recevez-vous un soutien institutionnel ou venant des partenaires pour valoriser ce patrimoine ?
En ce qui concerne le soutien institutionnel et celui des partenaires pour valoriser ce patrimoine, nous bénéficions depuis dix ans du soutien fidèle et principal de la Fondation Cuomo, qui nous accompagne à chaque édition du concours.
Au niveau local, la mairie apporte également son appui, tandis qu’au niveau national, le ministère en charge de la culture reconnaît cette activité et a joué un rôle important dans l’inscription de ce patrimoine à l’UNESCO.
Ces dernières années, d’autres structures nous ont rejoints, sans oublier le soutien précieux de toute la communauté. On peut dire que de plus en plus d’institutions adhèrent à cette initiative et s’y intéressent activement.
Quels sont vos projets futurs pour renforcer la préservation de la peinture muraleKasséna?

Le projet futur vise à renforcer la sensibilisation au niveau local, en particulier auprès des jeunes filles, afin de leur faire comprendre les avantages de cet art, notamment pour celles qui ne l’ont pas encore saisi.
Nous avons également l’ambition d’élargir le concours ainsi que les formations pratiques, non seulement pour les scolaires, mais aussi pour toute personne intéressée par cet art. Nous prévoyons d’organiser des formations de grande envergure au niveau de la cour, qui pourraient durer jusqu’à une semaine.
En ce qui concerne le concours, nous souhaitons impliquer davantage les jeunes filles lycéennes en élargissant sa portée au-delà de la commune de Tiébélé, et pourquoi pas dans d’autres communes où cet art est reconnu comme leur culture locale, comme les villages Zecco et Guelwongo, pour susciter leur intérêt.
Nel’S