Titulaire d’une licence en gestion de projet et d’une autre en droit, SEHON Kourafom Winnie Julie, est agent du ministère en charge de la jeunesse. Instructrice de jeunesse et d’éducation permanente, elle est chef du service association et initiative citoyenne à la mairie de l’arrondissement 05 où elle est en détachement. Au-delà de ces occupations, Winnie est Coach de fitness depuis 2017. Certifiée depuis 2021 dans cette activité sportive qui la passionne, elle évoque son parcours, ses ambitions mais aussi les défis qui sont les siens dans cet entretien exclusif accordé à votre Magazine.

Jeunesse Academy : Quand est née votre passion pour le sport ?

Winnie: Cela remonte à mes cours de karaté depuis l’école primaire puis au collège. À l’époque, comme activité extra-scolaire, le karaté était le seul sport où les parents inscrivaient leurs enfants. Avec un père très sportif, à chaque affectation, il cherchait a priori un club de karaté pour nous inscrire. De là est née ma passion pour le sport. C’est donc l’effort et la détermination de notre père à nous garder dans une activité extrascolaire qui a suscité en moi le goût de l’environnement sportif ; j’ai fini par m’y habituer et par me faire des projetions dans ce milieu.

Parlez-nous de votre parcours sportif

Quand j’étais en terminale, j’étais dans un club de la BCEAO et nous participions à des compétitions dans la sous-région. J’étais confrontée généralement au manque d’adversaire — dû au manque de catégorie femme  dans certaines compétitions parce que les filles n’étaient pas nombreuses dans les activités sportives en général. Très souvent, j’étais déçue de cette situation et me préparer durement pour manquer d’adversaire dans les compétitions, me faisait me sentir très oisive.

Donc j’ai commencé à courir les matins et les soirs et j’ai quitté le club. En continuant les courses, j’ai vu mon corps se transformer, mon esprit plus renforcé et mon temps plus organisé ; j’étais bien dans ma tête et dans mon corps ! Mais, en tant que fille, j’étais perturbée dans mes séances par des passants curieux et embêtants qui essayaient d’entamer la discussion ou qui proposaient leur service pour me transporter. En 2014, j’ai donc dû commencer rejoindre les salles de sport et c’est devenu mon endroit préféré. Je suivais des fit girls, des youtubeurs dans le domaine et je travaillais mon corps en fonction de mon idéal de fille

Avez-vous suivi des formations pour être la Coach que vous êtes aujourd’hui ?

Oui, de nombreuses formations, au Burkina Faso et à l’étranger. J’ai d’abord été sous la coupe d’un maître du nom de Somé Achille. Il est coach professionnel, arbitre en coaching boxe, coach fitness certifié. C’est lui qui m’a appris les disciplines du fitness. Parmi elles : le step, l’aérobie, le crossfit, le kataboxe.

Après, j’ai effectué un stage chez le grand doyen Cissé. Il est un ancien bodybuilder, propriétaire d’une salle de fitness à Ouaga. Là-bas, il s’est vraiment investi à m’apprendre sa technique. Il disait voir en moi l’avenir du fitness. Il me donnait des cours. Il m’expliquait beaucoup de choses dans le domaine.

Ceux qui le connaissent peuvent témoigner. Il est un monument du fitness. C’était un privilège d’être son apprenante.

Qu’est-ce qui vous a motivée à vous professionnaliser ?

 En 2016, un Canadien arrive dans une salle que je fréquentais de 16h à 20h. Il demande à être coaché par une fille parce que dans son pays c’est une femme qu’il avait comme coach. La réceptionniste lui dit que la salle n’a pas de femme coach. Le monsieur m’observe. Il voit mon corps d’athlète. Il demande si je n’étais pas coach.

Ayant voulu que je sois sa coach, la réceptionniste m’appelle. C’est ainsi que j’ai été choisie par mon premier client.

Je peux dire que c’est lui qui m’a coachée pour devenir coach. Avec mes recherches et les outils acquis à l’INJEPS, j’ai pu l’accompagner. Il a pu perdre 7 kg le premier mois. Très content de mon professionnalisme, il m’encourage à m’investir dans les formations. Il me conseille d’obtenir un diplôme ou une certification.

Vu qu’au Burkina, il n’y a pas de formation certifiante en coach fitness, j’ai dû voyager. Je suis allée au Ghana, au Sénégal, en Côte d’Ivoire pour me faire former. Cela m’a permis de voir comment les choses se passaient dans ces pays.4o

Quand avez-vous créé votre salle et quelles ont été les difficultés que vous avez surmontées ?

Après toutes ces formations, j’ai fait mes preuves dans beaucoup de salles de gym, et pour une évolution normale des choses, j’ai donc créé une association dénommée « Égalité sport pour toutes ». Ainsi, j’ai voulu engager et créer un cadre pour la gent féminine dans ce domaine, ce qui a ensuite conduit à l’ouverture de la salle en 2022, laquelle n’accueille que des femmes pour le moment.

Comment apprécient-elles vos séances ?

 Les femmes qui viennent en salle sont ravies d’avoir un cadre de fitness exclusivement pour les femmes, car c’est un cadre où elles sont à l’aise pour pratiquer le sport, sans se sentir déshabillées par les regards des hommes, comme dans les cadres mixtes de fitness. Ainsi, elles se donnent à fond lors des séances, parce que qu’il n’y a pas d’hommes à qui elles se compareraient et, de ce fait, pourraient se sentir faibles ou fragiles.

Elles se disent que, si leur coach est une femme et peut sauter, alors elles aussi peuvent le faire avec un peu de courage. En effet, je pense qu’elles se sentent bien entre femmes, et elles me font confiance car elles savent que je connais les besoins des femmes. Elles n’ont donc aucune difficulté à me parler de leurs complexes, et aussi de leurs soucis.

En tant que femme coach, quels obstacles spécifiques rencontrez-vous ?

Vu que notre environnement a masculinisé le sport, la femme n’a pas une place offerte dans ce domaine. Il lui faut se battre pour se positionner. Se battre dans un environnement occupé par les hommes en majorité, c’est être confronté à des critiques, à des commentaires rabaissants tendant à dire qu’on va pas tenir longtemps parce qu’on va vite tomber enceinte, ou qu’on ne veut pas se marier et qu’on veut devenir homme ou pire encore, qu’on veut frapper les hommes. Dans ce milieu, en tant que femme, il faut montrer ses capacités en double pourconvaincre ; il faut tenir plus que les collègues hommes, il faut être plus disciplinée pour éviter certains stéréotypes du genre “les femmes sont toujours comme ça”. J’ai rencontré beaucoup de difficultés qui ne sont pas liées tellement à l’apprentissage mais plutôt à la culture, au sexe et aux stéréotypes. Malgré tout cela, quand on est passionné, aucun obstacle n’est valable pour abandonner.

Quelles sont les activités que vous proposez et pourquoi ces choix ?

 Je propose donc les cours collectifs en salle, mais aussi en ligne, ainsi que des cours en entreprise ou à domicile. Dans le lot des activités, il y a également des formations en coach fitness, de la sensibilisation en éducation alimentaire, des camps vacances, de plus, la rééducation du périnée, et enfin, des éducations sportives pour les enfants.

Que direz-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans ce domaine ? Et aux jeunes filles ?

C’est un travail comme tout autre, et le bonus est que tu bénéficies en double : tu es payée pour être en bonne santé et aussi pour apporter de la santé aux clients. En effet, les vertus du sport ne sont plus à démontrer. C’est bien un travail qui nourrit son homme, mais il faut de la passion et de la détermination. Pour les filles, je leur dis qu’il faut avoir un esprit de guerrière. Cependant, avant tout, il faut se former et travailler avec des documents légaux pour éviter de blesser ou créer des accidents aux clients. Accompagner des gens, c’est jouer le rôle de l’éclaireur, ce qui implique donc qu’il faut beaucoup de savoir.

Quelles sont vos ambitions dans cette activité ?

Mes ambitions c’est de grandir encore plus dans ce domaine, de vulgariser mon idéologie et mon style de fitness.

Davy Soma