Au cœur de la gestion quotidienne des risques, l’assureur a la lourde tâche de répondre aux besoins des assurés. M’po Marie BATIENON/NEBIE fait partie des rares cadres assureurs femmes au Burkina Faso. Avec plus de 25 ans d’expérience dans le domaine de l’assurance, et à travers les différents postes qu’elle a occupés, elle est au cœur du management des risques et des sinistres, mais aussi, dans une certaine mesure, des hommes. Quel est le chemin à suivre pour devenir assureur ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette profession? Notre assureur nous parle, dans cet entretien, de ce métier qui requiert un sens aigu d’anticipation et une réflexion permanente.


M’po Marie BATIENON/NEBIE est la Directrice Générale Adjointe de UAB Assurances Vie Burkina Faso. Après un baccalauréat série G1 et une formation en secrétariat de direction, elle a d’abord commencé en tant que secrétaire de direction à l’UAB en 1991. Ensuite, après sa réussite au test de l’Institut International des Assurances, elle s’est envolée pour Yaoundé au Cameroun avec l’autorisation de sa hiérarchie. Elle y obtient une maîtrise en assurance (MST-A), puis un BAC +5 à l’École Nationale des Assurances (ENASS) à Paris en France sur une bourse octroyée (par l’intermédiaire de l’IIA) par la Fédération française des Sociétés d’Assurances (FFSA), appelée aujourd’hui France Assureurs. À son retour, M’po Marie BATIENON continue sa carrière professionnelle à l’UAB comme Chef de Service Réassurance Vie et non-Vie, puis comme Chef de Service sinistre Vie et non-Vie. Elle devient par la suite directrice technique et de Gestion Vie jusqu’à son poste actuel de Directrice Générale Adjointe Vie. Elle est également membre du comité exécutif de l’Association Professionnelles des Sociétés d’Assurances du Burkina (APSAB), où elle est la secrétaire chargée des assurances vie.


Jeunesse Academy: Quels sont les différents types de métiers d’assurance?

Marie Batienon: Il y a plusieurs types de métiers d’assurance dont un premier niveau que nous pouvons identifier
comme axé directement sur la gestion. Il s’agit des producteurs ou chargés de souscriptions, des rédacteurs de contrats, des développeurs de produits, des chargés d’indemnisations, des régleurs de sinistres, des contrôleurs de sinistres,… Il y a aussi les réassureurs ou chargés de réassurance et les Risk managers. Concernant le second niveau qui, lui, est axé sur l’intermédiation, nous avons les assureurs-conseils, les courtiers, les agents généraux et les agents mandataires indépendants.

Existe-t-il une différence entre le métier d’assurance et celui de courtier en assurance?

L’assureur est au cœur du risque. C’est le preneur de risque en quelque sorte. Quant au courtier en assurance, il doit connaître aussi le métier d’assurance, mais il joue le rôle de conseil auprès du client qui le mandate. Il peut, toutefois recevoir de l’assureur une délégation pour gérer un volet du risque, notamment certains sinistres.

«Un bon assureur ne doit pas rechigner à la tâche. Il doit être alerte et bon analyste.»

Quelles sont les études qui permettent de devenir assureur?

Nous avons plusieurs écoles qui forment aux métiers d’assureur en Afrique et au Burkina Faso. À l’international, nous avons par exemple l’Institut International des Assurances (IIA) au Cameroun, qui forme des assureurs de niveau supérieur, aujourd’hui passé au système Licence, Master, Doctorat. La plupart des cadres assureurs du marché burkinabè des assurances ont été formés dans cet institut. Un autre exemple, c’est le centre de formation de Tunis, qui forme également en cycle plus court des assureurs. Au plan national, nous avons le Centre Professionnel de Formation en Assurance (CPFA) qui est une émanation de l’IIA au sein des 14 pays de la Cima (Conférence interafricaine des Marchés d’Assurances) avec, pour l’heure 12, centres fonctionnels. Le CPFA dispense une formation de niveau Bac+2. Nous avons également des écoles privées et publiques qui forment surtout en banque-assurance toujours à un niveau similaire à celui du CPFA. Au cours de ces formations, à divers degrés, l’on étudie des matières purement assurantielles, mais aussi des matières connexes telles que le droit, les mathématiques, !la finance, l’économie, la technologie l’actuariat, …

Quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face durant votre parcours?

Le plus grand défi pour moi était de, trouver ma place parmi mes collègues hommes. Il a fallu montrer que j’étais tout aussi compétente qu’eux. J’ai alors travaillé de sorte à donner satisfaction quant aux missions qui m’étaient confiées. Pour cela, je n’ai jamais lésiné sur le temps et les efforts pour l’atteinte de mes objectifs. Il a fallu aussi redoubler d’efforts pour concilier vie professionnelle et vie d’épouse et de mère.

Combien gagne un assureur en moyenne? Quels sont les avantages et les inconvénients du métier?

Au plan national, il faut dire que l’assureur, du fait de ses revenus, fait partie de la classe moyenne. Je peux dire que l’assureur gagne en moyenne bien sa vie, même si en contrepartie, il abat un travail très prenant. C’est un métier passionnant, mais une activité très prenante.

« Pour la femme et la jeune fille, l’assurance peut se présenter comme un formidable outil de leurs droits… »

Est-il courant de voir une femme à des postes de responsabilité dans le secteur des assurances? Est-il courant de voir une femme à des postes de responsabilité dans le secteur des assurances?

Nous en avons quand même quelques-unes, même si le nombre reste dérisoire au vu de l’effectif de l’ensemble des acteurs qui animent nos marchés. Au Burkina, par exemple, nous avons nos ainées (au nombre de cinq au moins) formées à l’IIA comme nous. Après notre génération, nous avons une jeune sœur en formation actuellement à l’IIA. Ce tableau montre les efforts à fournir pour une meilleure représentativité des femmes cadres d’assurance à même d’investir le secteur et à occuper des postes de responsabilité.

Quel rôle l’assurance peut-elle jouer pour le bien-être et l’épanouissement des populations, notamment de la femme et de la jeune fille?

L’assurance a joué et continue de jouer un rôle important dans l’histoire des populations. Commele dit cette citation de Henri Ford, «New York n’est pas la création des hommes, mais celle des assureurs. Sans les assurances, il n’y aurait pas de gratte ciel, car aucun ouvrier n’accepterait de travailler à une pareille hauteur, en risquant de faire une chute mortelle et de laisser sa famille dans la misère». De nos jours, le rôle économique et social de l’assurance est toujours d’actualité, et au cœur du développement. Spécifiquement pour la femme et la jeune fille, l’assurance est au service de leur autonomisation; elle vient en soutien de leurs activités financières. Pour la femme et la jeune fille, considérées souvent comme faisant partie des personnes les plus vulnérables, l’assurance peut se présenter comme un formidable outil de leurs droits, une protection en disposant pour elles des moyens de prise en main de leur vie après la survenance de drames familiaux, ou tout simplement à la suite de programmes de prévoyance.

« Certains paniers d’offres ont besoin d’être renouvelés (…) et innovés pour tenir compte de nos contextes et de nos environnements. »

Quels sont les défis de l’assurance aujourd’hui en Afrique subsaharienne? Est-ce que les paniers d’offres répondent aux besoins réels des populations?

Il s’agit là d’une préoccupation majeure. L’Afrique subsaharienne a plus que jamais besoin des solutions d’assurances pour son développement. Tous les secteurs d’activités sont prioritaires. Comme je l’ai laissé entrevoir déjà, l’assurance est plus que nécessaire pour soutenir ces différents chantiers. Toutefois, la responsabilité incombe aux acteurs que nous sommes, de fournir des solutions bien adaptées auxdits besoins. Certains paniers d’offres ont besoin d’être renouvelés et même complètement innovés pour tenir compte de nos contextes et de nos environnements. Mais, il faut relever que nous faisons toujours face à un défi que nous pouvons qualifier de «culture d’assurance» dans nos pays. Cela justifie d’ailleurs le fait que nous devons aller au-delà des «sentiers battus» et proposer des solutions innovantes et véritablement adaptées à nos cultures, afin de toucher le maximum de nos populations et améliorer ainsi le très faible taux de pénétration de l’assurance (à peine 2%) actuellement dans nos contrées.

Quelle est l’implication des assurances existantes dans la mise en œuvre de l’assurance maladie universelle au Burkina Faso?

Pour l’heure, le secteur privé des assurances n’intervient pas dans la mise en œuvre de l’assurance maladie universelle au Burkina Faso. Le secteur privé des assurances, fort de son expérience dans la gestion des solutions d’assurances, pourrait être un partenaire utile dans la mise en, œuvre de cette assurance ; il reste disposé à jouer ce rôle.

La Rédaction