Professionnel de santé burkinabè, passionné par les questions pharmaceutiques et le développement du système de santé, Madi Simporé est Titulaire d’un Diplôme de Préparateur d’État en Pharmacie. Par ailleurs détenteur d’une Maîtrise en Sciences économiques option macroéconomie et gestion du développement, d’un Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées (DESS) en management de la santé option économie de la santé et d’un Master II en gestion de projets, il cumule plus de 20 années d’expériences dans l’administration publique. C’est avec cet homme expérimenté que votre Magazine met en lumière une profession peu connu mais combien importante pour la santé des populations.

Parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel

Mon parcours se partage entre dix années consacrées à la gestion et à la dispensation des médicaments et plus d’une décennie dans la gestion, le suivi-évaluation et la coordination de projets et programmes de développement. J’occupe actuellement le poste de Chef de service du suivi-évaluation du Projet de construction et d’équipement des Centres Hospitaliers Régionaux Universitaires (CHRU) de Dédougou, Fada N’Gourma et Gaoua. Au-delà de mes fonctions institutionnelles, j’ai également contribué à divers projets nationaux et internationaux en tant qu’expert technique et consultant.

Toujours en lien avec ma profession, je suis membre du Collège burkinabè de l’économie de la santé (CoBES) et de l’Association des Préparateurs d’État en Pharmacie du Burkina Faso (APEP-BF) que j’ai eu l’honneur de présider de septembre 2022 à septembre 2025. Ce mandat a marqué un tournant historique pour l’APEP-BF avec, notamment, l’obtention du récépissé de reconnaissance officielle de l’association, l’adoption d’un nouveau logo fédérateur, le renforcement de la mobilisation et de la cohésion des membres et surtout, l’organisation réussie des premières Journées Nationales des PEP (JPEP 2025), saluées par les autorités sanitaires et les partenaires techniques et financiers. Les membres m’ont renouvelé leur confiance à en me confiant un second mandat le 27 septembre 2025 pour une nouvelle période de trois ans.

Être un Préparateur d’État en Pharmacie (PEP) consiste à quoi ?

Être Préparateur d’État en Pharmacie (PEP), c’est exercer une profession de santé technique et stratégique au service du bon usage du médicament et de la qualité des soins pharmaceutiques. Le PEP est un professionnel qualifié, formé à l’École Nationale de Santé Publique (ENSP) et qui travaille sous la supervision du pharmacien pour assurer la préparation, la dispensation et la gestion rationnelle des produits pharmaceutiques.

Dans la pratique, les principales missions du PEP consistent, entre autres, à préparer et dispenser les médicaments prescrits aux patients dans le respect des normes de sécurité et de qualité ; gérer les stocks de médicaments et produits de santé (approvisionnement, réception, stockage, distribution et suivi des dates de péremption) ; assurer la traçabilité des produits pharmaceutiques, y compris les produits sensibles (antibiotiques, stupéfiants, vaccins, etc.).

“Plus que jamais, le Burkina Faso a besoin de jeunes PEP compétents,
intègres et engagés pour relever les défis”

Il doit aussi contribuer à la pharmacovigilance et à la lutte contre les médicaments de la rue en veillant à la disponibilité de produits sûrs et homologués ; conseiller les patients sur le bon usage des médicaments et les règles d’observance des traitements ; participer à la gestion des dépôts pharmaceutiques au niveau des structures sanitaires publiques ; appuyer la mise en œuvre des politiques pharmaceutiques nationales.

Étant de fait un acteur essentiel du système de santé burkinabè, le PEP constitue le maillon technique qui relie la politique pharmaceutique nationale à sa mise en œuvre sur le terrain. Dans notre contexte de défis humanitaires et de souveraineté sanitaire, le PEP contribue directement à la disponibilité des médicaments de qualité au dernier kilomètre, la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement, et la valorisation des savoirs endogènes dans la production et la dispensation des produits de santé.

Comment devient-on PEP et quelles sont les différentes catégories dans ce corps de métier ?

Pour devenir Préparateur d’État en Pharmacie (PEP)au Burkina Faso, il faut être titulaire du baccalauréat scientifique ; réussir l’entrée à l’École Nationale de Santé Publique (ENSP), section pharmacie, par voie de concours direct de la Fonction publique ou par inscription à titre privé. Là, il faut suivre une formation professionnelle de trois (03) ans, sanctionnée par le Diplôme de Préparateur d’État en Pharmacie délivré par le Ministère de la Santé. C’est une formation qui combine des enseignements théoriques, pratiques et des stages en milieu hospitalier et officinal ; elle permet d’outiller les apprenants sur, entre autres, la pharmacologie, la gestion des stocks et la réglementation pharmaceutique. À l’issue de la formation, les PEP peuvent travailler aussi bien dans le secteur public que dans le privé.

Photo de famille après l’ouverture des JPEP 2025

Certains se retrouvent dans les structures sanitaires publiques après recrutement par la fonction publique ou dans les pharmacies privées sous la responsabilité d’un pharmacien. On en trouve d’autres au niveau des ONG, des projets de santé, ou des organisations internationales intervenant dans la gestion du médicament. Il y a aussi ceux qui évoluent dans le secteur para-pharmaceutique, industriel ou logistique (CAMEG, grossistes, laboratoires, etc.) et ceux qui deviennent entrepreneurs à travers la création de structures de distribution de dispositifs médicaux.

Il est important de signaler qu’on ne reste pas PEP forcément pendant toute sa carrière. Avec les réformes de la fonction publique, certains PEP ont passé les concours professionnels et sont des Logisticiens de santé et humanitaire, des Ingénieurs en sciences pharmaceutiques leur permettant d’évoluer vers des postes de responsabilité technique et administrative.

Quelles sont les contraintes liées à votre profession ?

Il y a un ensemble de contraintes structurelles, institutionnelles et professionnelles qui freinent le plein épanouissement du PEP. Quand on prend le plan institutionnel et réglementaire, on note l’absence d’un Ordre professionnel contrairement à d’autres corps de santé (pharmaciens, infirmiers, sages-femmes, etc.) ; un flou juridique sur certaines prérogatives du PEP dans la chaîne pharmaceutique, ce qui limite sa reconnaissance formelle et sa progression de carrière. La dépendance hiérarchique forte vis-à-vis des pharmaciens parfois au détriment de l’autonomie technique du PEP et l’insuffisance de textes spécifiques encadrant l’ouverture et la gestion des dépôts pharmaceutiques par les PEP sont d’autres difficultés qu’on relève.

En termes de contraintes sur le plan professionnel et technique, nous avons le manque de moyens matériels et logistiques dans les structures publiques pour assurer une dispensation et une gestion rationnelle des médicaments dans de bonnes conditions ; l’accès limité à la formation continue, ce qui freine l’actualisation des connaissances en pharmacologie, technologies pharmaceutiques ou nouvelles réglementations ; le risque de surcharge de travail dans les structures à faible personnel, notamment dans les zones rurales et sécuritairement fragiles.

Et justement, le contexte national ajoute à ce qui précède d’autres questions liées à l’insécurité et l’instabilité dans certaines zones, compliquant l’approvisionnement régulier en médicaments et la continuité des services pharmaceutiques. Pourtant, on notait déjà la faiblesse des infrastructures sanitaires et du réseau logistique pour garantir la disponibilité des produits de santé jusqu’au dernier kilomètre. Malheureusement, cela permet au fléau des médicaments de la rue de s’installer, ce qui affecte l’image du secteur pharmaceutique et constitue une menace pour la santé publique.

Parlez-nous de votre association (création, objectifs et activités principales) ?

L’Association des Préparateurs d’État en Pharmacie du Burkina Faso (APEP-BF) est une organisation professionnelle créée dans le but de rassembler, représenter et défendre les intérêts des Préparateurs d’État en Pharmacie (PEP) exerçant sur l’ensemble du territoire national. Il faut dire qu’elle existait sous une autre forme avant la loi n° 064-2015/CNT du 20 octobre 2015 portant liberté d’association qui la rendra caduque. Avec l’obtention de son récépissé de reconnaissance officielle en décembre 2022, l’APEP-BF franchit une étape décisive dans sa structuration.

“L’association vise aussi à favoriser la cohésion, la solidarité
et l’entraide professionnelle entre ses membres…”

Nombreux sont les objectifs que nous poursuivons comme organisation professionnelle. Nous voulons, à travers notre association, promouvoir le métier de Préparateur d’État en Pharmacie et valoriser sa contribution au système de santé ; renforcer les capacités techniques et professionnelles des PEP ; contribuer à la souveraineté pharmaceutique nationale, notamment par la gestion rationnelle des médicaments et la lutte contre les produits de qualité inférieure ou falsifiés. L’association vise aussi à favoriser la cohésion, la solidarité et l’entraide professionnelle entre ses membres, et collaborer avec les autorités sanitaires, les institutions de formation et les partenaires techniques et financiers pour l’amélioration du système pharmaceutique national. L’APEP-BF ambitionne de devenir, à moyen terme, une force technique et de proposition incontournable dans la mise en œuvre de la politique pharmaceutique nationale et dans la promotion d’un système de santé résilient et souverain au Burkina Faso.

En termes d’activités, depuis sa relance effective en 2022, l’APEP-BF a mis en place des bureaux régionaux de coordination dans plusieurs régions du Burkina Faso ; organisé la 1re édition des Journées Nationales des PEP (JPEP 2025), un événement historique qui a réuni les acteurs du secteur pharmaceutique autour de thématiques telles que la souveraineté sanitaire et la valorisation des savoirs endogènes. Nous avons aussi lancé la page Facebook officielle de l’association pour renforcer la communication et la visibilité des activités, ce qui est indispensable pour assurer notre présence numérique dans cette ère du digital. Il est important de noter que les JPEP 2025 ont permis de renforcer la participation des PEP à la réflexion nationale sur la réforme du secteur pharmaceutique et la qualité des soins.

“Ce métier demande patience, persévérance et passion,
car les défis sont nombreux”

Reconduit pour un second mandat (2025–2028) après celui de 2022-2025, et engagé pour la souveraineté pharmaceutique nationale et la valorisation des savoirs endogènes, j’entends poursuivre la dynamique de modernisation de l’APEP-BF. Il s’agit, notamment, de consolider les acquis institutionnels et positionner davantage le PEP comme un acteur clé de la politique pharmaceutique et sanitaire du Burkina Faso. Engagé Avec la rigueur, le dialogue et le service collectif comme valeurs, je m’inscris dans une vision de leadership participatif et engagé au service du bien commun et de l’excellence professionnelle.

L’assemblée générale qui a renouvelé le mandat de Madi Simporé s’est tenue après les activités des JPEP
Que diriez-vous, du haut de vos expériences, à un jeune qui désire embrasser ce corps professionnel ?

Je lui dirais avant tout que c’est choix de métier noble, exigeant et profondément humain. Être PEP, c’est choisir de servir la vie à travers la sécurité, la qualité et la disponibilité des médicaments pour les patients, dans les hôpitaux, les pharmacies, les ONG ou sur le terrain humanitaire. C’est une profession de rigueur scientifique, de discipline, mais aussi de sens du service public et d’engagement pour la santé de la population. Le PEP n’est pas seulement un exécutant ; il est un maillon essentiel de la chaîne pharmaceutique nationale, un acteur de proximité au cœur du système de santé, garant de la qualité des produits de santé.

Je lui dirais aussi que ce métier demande patience, persévérance et passion, car les défis sont nombreux: manque de moyens, difficultés de reconnaissance, mais aussi une grande responsabilité dans la gestion de produits vitaux. Cependant, les perspectives d’évolution sont réelles à travers la formation continue, la spécialisation, ou encore la possibilité de s’impliquer dans la recherche, la gestion ou l’entrepreneuriat pharmaceutique.

Aujourd’hui plus que jamais, le Burkina Faso a besoin de jeunes PEP compétents, intègres et engagés pour relever les défis de la souveraineté pharmaceutique, de la sécurité sanitaire et de la valorisation des savoirs endogènes. Rejoindre ce corps, c’est participer à la construction d’un système de santé plus résilient, plus équitable et plus souverain.

Votre dernier mot ?

Mon dernier mot est un appel à l’unité, à la responsabilité et à la fierté professionnelle. Être Préparateur d’État en Pharmacie (PEP), c’est bien plus qu’exercer un métier technique : c’est servir la vie, protéger la santé publique et contribuer à la souveraineté sanitaire de notre pays. Chaque PEP, par son engagement quotidien, participe à renforcer la qualité et la disponibilité des médicaments, souvent dans des conditions difficiles mais toujours avec dévouement.

Je voudrais inviter tous les PEP du Burkina Faso à croire en leur valeur, à continuer de se former, à partager leurs expériences et à s’impliquer activement dans les initiatives de notre association. C’est ensemble, dans un esprit de solidarité, de compétence et d’abnégation, que nous pourrons bâtir un corps professionnel fort, reconnu et respecté à sa juste mesure dans le système de santé national.

Je tiens à remercier sincèrement toutes les autorités, les partenaires techniques et financiers, ainsi que les aînés et collègues qui soutiennent la dynamique de notre association. Ensemble, nous continuons à faire rayonner la profession de PEP, à défendre son rôle central dans la chaîne pharmaceutique et à œuvrer pour un système de santé burkinabè plus souverain, plus équitable et plus résilient.

Par Davy Soma