Le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) au Burkina Faso connaît une croissance notable, catalysée par la dynamique de développement du pays. Malgré son potentiel économique, ce domaine reste difficile d’accès pour les jeunes. Entre formation insuffisante, accès limité aux marchés et conditions de travail précaires, nombreux sont les obstacles pour les acteurs dont Arthur Ganame et Hamza Nana. Jeunes engagés dans le BTP burkinabè, ils donnent, à travers votre magazine, un aperçu des réalités de ce secteur.
Une voie d’accès au secteur semé d’embûches
Entrepreneur chevronné, formateur et leader reconnu, Arthur Ganame souligne un premier paradoxe relatif à l’intégration des jeunes dans le secteur BTP. En effet, les premières difficultés apparaissent dès la formation car, constate-t-il, « le nombre d’écoles formant dans le domaine du BTP est en forte augmentation alors que les entreprises capables d’accueillir des stagiaires restent peu nombreuses ». Ces stages, lorsqu’ils sont accessibles, sont généralement non rémunérés et impliquent des déplacements coûteux, rendant l’expérience difficile à vivre pour de nombreux étudiants.
Hamza Nana, lui, entrepreneur spécialisé dans la sécurisation de périmètres et la construction de bâtiments d’élevage pointe un autre obstacle non négligeable. Cet : « Sans moyens financiers suffisants ni agrément, il est compliqué de décrocher des contrats. À cela s’ajoute le manque de confiance des clients ou des partenaires, souvent liée à notre faible expérience dans le domaine ». Ces réticences des potentiels clients vis-à-vis des jeunes débutants freinent l’élan entrepreneurial de cette jeunesse et limite leur insertion dans les circuits économiques du BTP.
Une formation encore trop généraliste

Le déficit de spécialisation dans la formation est une problématique centrale dont Arthur et Hamza ont conscience. Relevant que les formations sont majoritairement « généralistes » et « basiques », ils conviennent qu’il faut bien plus pour s’en sortir dans ce domaine en saturation. Pour Arthur, « Ce type de formation ne permet pas aux diplômés d’acquérir les compétences pointues nécessaires pour répondre aux exigences spécifiques des projets sur le terrain ». Par conséquent, des entreprises sont parfois contraintes de faire appel à des experts étrangers pour des tâches spécialisées.
Hamza Nana pense que la persistance de cette situation chez les jeunes s’explique par « un manque de vision claire sur les débouchés du secteur du génie civil ». Pourtant, tout comme Arthur, il reste convaincu que, de nos jours, seule la spécialisation permet de se démarquer dans un secteur aussi technique que le BTP.
Des opportunités à saisir, mais ….
Malgré ces difficultés, le secteur offre des opportunités, à condition d’adopter une stratégie adaptée. Arthur Ganame souligne : « Il est essentiel de se spécialiser dans un domaine précis du BTP pour se démarquer. » Les jeunes doivent viser une montée progressive en compétences, en commençant par de petits travaux pour bâtir une réputation solide.
Hamza Nana, de son côté, note une évolution encourageante : « Les initiatives gouvernementales créent de réelles opportunités. Elles permettent aux jeunes d’accéder à des emplois directs, et offrent aussi des marchés aux jeunes entreprises. » Néanmoins, il reste prudent, estimant que l’impact de ces dispositifs reste encore limité sur le terrain.
Conditions de travail : entre insécurité et manque de moyens
Les conditions de travail sont difficiles et Arthur Ganame déplore que « sur dix entreprises au Burkina Faso, seulement deux équipent correctement leurs employés ». En l’absence de casques, de chaussures de sécurité ou de gilets, les jeunes ouvriers sont souvent exposés à de graves risques. Il relève également une faible sensibilisation à la sécurité durant le cursus scolaire.
Hamza Nana voit la nécessité pour les entreprises de « proposer une assurance santé pour mieux protéger leurs équipes ». Mais avant d’en arriver là, « le défi principal en matière de sécurité reste le respect du port des Équipements de Protection Individuelle (EPI) sur les chantiers », estime-t-il. Par ailleurs, ajoute le spécialiste en sécurisation, un appui logistique, notamment en transport, pourrait grandement améliorer le quotidien des jeunes travailleurs.
Un accompagnement encore insuffisant
Sur le plan de l’insertion, les deux entrepreneurs s’accordent sur les difficultés d’accompagnement. Si Arthur Ganame constate une offre de formation diversifiée, il relève cependant une faiblesse du côté du financement et de l’accès structuré aux stages. « En pratique, les aides annoncées sont rarement effectives », déclare-t-il. Hamza Nana, lui, confie n’avoir pas encore identifié « de dispositifs concrets ou suffisamment accessibles pour accompagner efficacement les jeunes dans ce secteur. »
Défis technologiques et nécessité d’inclusion des jeunes

Avec les mutations du secteur notamment l’apparition de nouveaux matériaux et la digitalisation, les jeunes doivent constamment actualiser leurs compétences. Arthur Ganame encourage l’utilisation des outils numériques en ces termes : « Il est essentiel de savoir utiliser ces outils de manière intelligente et équilibrée pour en tirer pleinement profit. » Hamza Nana, quant à lui, mise sur la formation continue : « Il est essentiel d’analyser et de comprendre la valeur ajoutée que peuvent apporter les nouveaux matériaux et les technologies émergentes. » Il ressort donc, clairement, que pour ces deux jeunes, l’innovation est une opportunité mais elle exige un renforcement des compétences.
Enfin, pour que le secteur devienne réellement attractif, des réformes structurelles sont nécessaires. Revoir les conditions d’accès aux marchés publics est un impératif selon Arthur Ganame : « très souvent, lorsqu’un marché d’un certain niveau est lancé, les jeunes entrepreneurs ne peuvent même pas postuler ». Il déplore que les critères d’éligibilité soient généralement déconnectés des réalités des jeunes entreprises. De son côté, Hamza Nana, invitant à faire confiance à la jeunesse, plaide pour la multiplication des possibilités de financements en faveur des jeunes. Par ailleurs, pour les cas d’exécution de marché, l’entrepreneur lance un cri de cœur : « il faut éviter les retards de paiement après la réception des chantiers, car cela fragilise nos activités ».
Le secteur du BTP, pilier du développement économique burkinabè, regorge d’opportunités pour la jeunesse. Toutefois, il exige des réformes profondes en matière de formation, d’accès aux marchés, de sécurité et d’accompagnement. Pour ce faire, il existe des jeunes compétents, motivés et prêts à contribuer à la transformation du pays, à qui il faudra donner véritablement les moyens.
Nel’S